08/03/10

Viols féminicides au Nord "Case closed".Archive.AI

Pour le plaisir - écureuille "palmée" à moufles résistant à la bise du Septentrion
avant de m'étouffer de rage dans la neige

Les associations mélangent tout et tous les pays et, de plus, ces rapports ne sont pas sortis et les pages et liens sont pour la plupart brisés... Tout le monde coupable, pas de coupables, diluer la responsabilité, quelle irresponsabilité ! Qui va payer ? Les filles et les femmes, et les féminicides augmentent et les associations bêlent.

"Les victimes de viol sont privés de justice et voient leur dignité bafouée (23 pages) En anglais et espagnol : 
AI Finlande a mené en 2005 une campagne demandant aux autorités un plan d’action pour mettre fin à la violence contre les femmes
© Amnesty International/Katja Tähjä 8 mars 2010
AI Finlande a mené en 2005 une campagne demandant aux autorités un plan d’action pour mettre fin à la violence contre les femmes
Amnesty International rend publics lundi 8 mars deux rapports concernant des régions différentes du monde, dans lesquels elle montre que discrimination fondée sur le genre et préjugés empêchent les victimes de viols et de violences sexuelles d'obtenir justice.  Pour marquer la Journée internationale de la femme, l'organisation publie un rapport sur la violence sexuelle dans un pays en développement - le Cambodge - et un rapport sur cette violence dans des pays d'Europe du Nord - le Danemark, la Finlande, la Norvège et la Suède. « Dans les pays pauvres comme dans les pays riches, les femmes violées ou victimes de violences ont peu de chances de voir leurs agresseurs déférés à la justice, a déclaré Widney Brown, directrice chargée du droit international et de la stratégie politique à Amnesty International. Il est révoltant qu'au XXIe siècle, alors qu'il existe toute une législation garantissant l'égalité de droit pour les femmes, pratiquement aucun gouvernement ne parvient à protéger les femmes ou à faire en sorte que leurs agresseurs soient tenus de rendre des comptes pour leurs crimes. » Les deux rapports d'Amnesty International montrent que nombreux sont les obstacles pour les victimes d'atteintes sexuelles et de violences familiales qui cherchent à obtenir justice. Les victimes sont confrontées notamment aux réactions négatives ou dédaigneuses du personnel policier, médical et judiciaire. Se sentant honteuses, voire coupables, face à l'indifférence dont font généralement preuves les autorités, de nombreuses femmes ne portent même pas plainte. Les quelques femmes qui finissent par aller voir la police obtiennent rarement justice et réparation. Les deux documents publiés par Amnesty International font apparaître que la proportion de cas de viol donnant lieu à des poursuites est l'une des moins élevées par rapport aux autres infractions. « Si la violence sexuelle n'est pas accompagnée de violence physique elle n'est tout simplement pas prise en compte, a déclaré Widney Brown. Une femme qui survit à un viol sans lésion physique significative est souvent blâmée ou considérée comme responsable du crime dont elle a fait l'objet, tandis que le violeur ne fait l'objet, éventuellement, que d'une sanction sociale ou peine de justice limitée. Bien que les appareils judiciaires examinés dans les deux rapports varient considérablement, Amnesty International a constaté qu'ils se caractérisaient tous par des lacunes et des disparités dissuadant les femmes et les jeunes filles de chercher à obtenir justice pour des crimes commis contre elles. Dans les pays d'Europe du Nord, c'est le recours à la violence ou aux menaces de violence plus que l'atteinte à l'autonomie sexuelle d'une femme qui détermine la gravité du viol.

Le document Affaire classée. Le viol et les droits humains dans les pays nordiques détaille le cas en Finlande d'un homme ayant contraint une femme à avoir un rapport sexuel avec lui dans des toilettes publiques, en lui cognant la tête contre le mur et en lui tordant le bras dans le dos Or, le juge a considéré qu'il ne s'agissait pas d'un viol étant donné que la violence utilisée était d'un faible degré, et l'homme a été reconnu coupable simplement de rapport sexuel contraint et condamné à une peine avec sursis de sept mois d'emprisonnement. En comparaison, dans le droit finlandais, le refus d'effectuer son service militaire obligatoire, y compris sous la forme d'un service civil, est passible d'une peine d'emprisonnement d'au moins six mois.  Au Cambodge, les femmes ne font pas confiance à la justice et le coût des procédures policières les dissuade d'engager des poursuites. Les victimes doivent souvent payer des pots-de-vin à la police pour qu'une enquête soit lancée. Il leur faut aussi généralement de l'argent pour les soins médicaux, le transport et les appels téléphoniques pendant l'enquête. Le rapport Cambodge. Briser le silence. La violence sexuelle au Cambodge montre aussi comment la « solution » consiste parfois en un paiement négocié en-dehors de tout cadre judiciaire. Le plus souvent, un policier arbitre un accord financier entre la famille de la victime et celle du contrevenant, à la condition que la victime ne porte pas plainte devant la justice. Le médiateur reçoit alors une partie de la somme convenue.  « Pour trop de femmes, l'intervention de la justice ne fait qu'exacerber les violences et atteintes subies, a déclaré Widney Brown. Chaque violeur qui n'est pas sanctionné du fait de ces dysfonctionnements témoigne de l'indifférence des autorités au sort des victimes de violences sexuelles. » La violence contre les femmes demeure l'une des principales barrières empêchant l'égalité de genre. Amnesty International appelle les gouvernements à faire preuve de la diligence requise pour empêcher et punir les actes de violence, après avoir mené les enquêtes nécessaires. Pour ce faire, il faut veiller à ce que les femmes soumises à des violences puissent obtenir justice et réparation pour les souffrances endurées. Amnesty International a demandé également la création d'une entité de l'ONU renforcée, pour faire en sorte que les femmes et les jeunes filles du monde entier puissent réellement exercer leurs droits. Amnesty International participe à la campagne mondiale des ONG pour une réforme des structures en faveur de l'égalité des sexes (GEAR) appelant les gouvernements et le système des Nations unies à veiller à ce que le nouvel organe de l'ONU pour les femmes reçoive les moyens financiers, le personnel et le pouvoir nécessaires pour faire réellement la différence dans la vie des femmes du monde entier. L'organisation a exhorté tous les gouvernements à réaffirmer pleinement leur respect des droits des femmes, dans la lignée de plusieurs traités internationaux sur les droits humains et de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing dont les objectifs sont l'égalité, le développement et la paix pour toutes les femmes. Pour en savoir plus :
Les autorités doivent protéger les victimes de violences sexuelles au Cambodge, où les viols seraient en augmentation (rapport, 8 mars 2010)
Témoignages de militantes des droits humains ayant fait l'objet d'agressions et de manœuvres d'intimidation en Afghanistan (nouvelle, 8 mars 2010)
Rendez-vous sur la page Halte à la violence contre les femmes du site d'Amnesty International "

En 2012 et en Norvège, aucun doute que la soudaine augmentation des jeunes filles et femmes victimes de féminicides de viols n'est pas le fruit d'un hasard et l'on comprend mal que le sujet nordique soit noyé dans le Cambodge à des milliers de kilomètres :

mis en ligne le 13 mars 2012
"DOCUMENT - AFFAIRE CLASSÉE. LE VIOL ET LES DROITS HUMAINS DANS LES PAYS NORDIQUES (RAPPORT DE SYNTHÈSE) AMNESTY INTERNATIONAL Document public ACT 77/001/2010 ÉFAI - Date de publication - 8 mars 2010 - Ce rapport montre que, dans les pays nordiques, les femmes qui portent plainte pour viol auprès de la police n'ont que très peu de chance de voir l'affaire portée devant un tribunal. En conséquence, beaucoup d'auteurs de viol n'ont jamais à répondre de leurs actes. Amnesty International examine les lacunes qui existent dans les lois, les procédures et les pratiques de ces pays, et appelle les gouvernements danois, finlandais, norvégien et suédois à prendre des mesures pour garantir que justice soit faite à toutes les victimes de crimes sexuels.


Dans les pays nordiques – Danemark, Finlande, Norvège et Suède – les femmes ont atteint un niveau impressionnant d'égalité des genres dans de nombreux aspects de la vie. Cependant, le viol et les autres formes de violence sexuelle restent une réalité inquiétante, qui dévaste chaque année la vie de milliers de femmes et de filles. Ce document est la synthèse d'un rapport détaillé publié en 2008 par Amnesty International au Danemark, en Finlande, en Norvège et en Suède : Case Closed – Rape and Human Rights in the Nordic Countries. Il montre que, dans les pays nordiques, les femmes qui portent plainte pour viol auprès de la police n'ont que très peu de chance de voir l'affaire portée devant un tribunal.En conséquence, beaucoup d'auteurs de viol n'ont jamais à répondre de leurs actes. Amnesty International examine les lacunes qui existent dans les lois, les procédures et les pratiques de ces pays, et appelle les gouvernements danois, finlandais, norvégien et suédois à prendre des mesures pour garantir que justice soit faite à toutes les victimes de crimes sexuels.
La section finlandaise d'Amnesty International a organisé une campagne demandant aux autorités de mettre en place un plan global d'action destiné à éliminer la violence contre les femmes en Finlande. Une pétition rassemblant plus de 22 000 signatures a été remise en 2005. En décembre 2009, le gouvernement a finalement accepté de commencer à travailler sur ce plan d'action.
© Amnesty International Finlande / Katja Tähjä

SOMMAIRE
1. INTRODUCTION 3
Les obligations des États 3
2. LE VIOL DANS LES PAYS NORDIQUES 5
La plupart des cas de viol ne sont jamais révélés 5
Les cas de viol signalés 6
Des affaires jamais jugées – le processus d'abandon des poursuites 7
Derrière les statistiques, des femmes 8
Des femmes jeunes 8
Le viol dans les relations intimes 8
Le viol par une connaissance ou un compagnon de sortie 9
Le viol lors d'une agression soudaine par un inconnu 9
Les viols en réunion 10
3. LE CADRE JURIDIQUE 10
La législation est-elle conforme aux normes actuelles en matière de droits humains ? 10
Les définitions du viol 12
Danemark : le viol et les atteintes sexuelles au sein du mariage 12
Finlande : les différentes catégories de viols 13
Finlande : c'est à l'État, et non à la victime, qu'incombe la responsabilité d'engager des poursuites 14
Des définitions du viol trop restrictives 15
4. LE PARCOURS JUDICIAIRE 17
Les principes du système judiciaire 17
Les poursuites à la diligence du ministère public ou du plaignant 17
L'intention criminelle 18
L'état de droit 18
L'état des preuves 18
Processus d'abandon des poursuites : la qualité de l'enquête est cruciale 18
L'absence d'enquêtes efficaces et approfondies sur les cas de viol 19
Le comportement à l'égard des victimes de viol 20
La « victime idéale » 21
Les stéréotypes entravent la justice 21
La mauvaise utilisation des éléments médicolégaux 23
Le manque de transparence 24
5. LA PRISE EN CHARGE DES VICTIMES DE VIOL 25
Les systèmes d'aide aux victimes dans les pays nordiques 25
Les centres pour les victimes d'agressions sexuelles au Danemark et en Norvège 25
L'insuffisance du dispositif de prise en charge des victimes de viol en Finlande 25
Le manque de services de réadaptation sur le long terme en Suède 26
L'assistance juridique pour les victimes de violence sexuelle 26
6. LA VOLONTÉ POLITIQUE 26
Les plans d'action nationaux 27
Des engagements non tenus ? 27
Une véritable volonté politique est nécessaire 28
7. RECOMMANDATIONS AUX GOUVERNEMENTS DES PAYS NORDIQUES 28

1. INTRODUCTION

La violence sexuelle contre les femmes et les filles est un phénomène mondial. Aucun pays n'en est exempt, et aucune classe sociale ni aucun groupe de femmes n'est à l'abri de ses effets destructeurs. Le viol et les autres violences sexuelles portent préjudice non seulement aux victimes, mais aussi à leur entourage et aux sociétés tout entières.

Le viol et les autres violences sexuelles sont de graves atteintes à l'intégrité physique et mentale et à l'autonomie sexuelle des victimes. Ces sévices constituent en soi des violations des droits humains, et empêchent par ailleurs les victimes de jouir de plusieurs de leurs droits fondamentaux, comme les droits à la santé physique et mentale, à la sécurité de sa personne, à l'égalité au sein de la famille et à l'égale protection des hommes et des femmes devant la loi.

Ce document est une synthèse d'un rapport détaillé publié par Amnesty International au Danemark, en Finlande, en Norvège et en Suède en 2008 : Case Closed – Rape and Human Rights in the Nordic Countries 1.

Partout dans le monde, des enfants, des femmes et parfois aussi des hommes sont victimes de viols ou d'autres violences sexuelles. Tout en reconnaissant que toutesles formes de violence sexuelle, quelle que soit l'identité de la victime, constituent de graves violations des droits humains, ce rapport se concentre sur une seule de ces formes : le viol des femmes dans les pays nordiques (Danemark, Finlande, Norvège et Suède). Dans la quasi-totalité des cas de viol de personnes de plus de quinze ans signalés dans ces pays, les victimes sont des femmes et les auteurs des hommes2– des membres de la famille ou de l'entourage des victimes, ou de parfaits inconnus.

LES OBLIGATIONS DES ÉTATS

Dans toutes les sociétés du monde, le rapport de forces déséquilibré entre les hommes et les femmes suscite et renforce la tolérance à l'égard de la violence des hommes contre les femmes. Souvent, les États ne prennent pas de mesures suffisantes pour combattre la violence domestique, le viol et les autres formes de violence contre les femmes. La violence des hommes dans le cadre des relations intimes, notamment le viol marital, est souvent considérée comme une affaire « privée ». Dans la plupart des cas, ces crimes ne font pas l'objet d'enquêtes rigoureuses, et leurs auteurs sont rarement punis. En outre, les gouvernements ne reconnaissent généralement pas que la violence contre les femmes est à la fois une violation des droits humains et un problème de société. Même dans les États qui ont adopté des lois protégeant les femmes de la violence, ces lois ne sont pas appliquées efficacement. En conséquence, de nombreux États manquent à leur obligation de garantir l'égalité des genres en général, et de s'attaquer à la violence liée au genre en particulier.

Le droit international relatif aux droits humains exige des États, dans le cadre de leurs efforts de lutte contre la discrimination liée au genre, qu'ils prennent des mesures de prévention de la violence liée au genre et de protection des femmes, et qu'ils enquêtent sur tous les actes de violence de ce type et en punissent les auteurs. Les femmes victimes de viol ont le droit à la même protection juridique que les victimes de tout autre crime. Un État qui n'assure pas cette protection se rend coupable de discrimination liée au genre, en violation du droit à l'égale protection devant la loi.

Le droit international relatif aux droits humains impose aussi aux États d'offrir pleinement réparation aux victimes. Pour cela, ils doivent mettre en place des institutions publiques – ou soutenir d'autres organisations – chargées d'apporter une protection, une aide et une assistance aux victimes de violence domestique, de viol, d'agression sexuelle ou d'autres formes de violence liée au genre.

L'accès à différentes formes d'aide, par exemple à une assistance juridique, à des soins médicaux et à un soutien psychosocial, doit être une condition préalable à la participation des victimes de violence sexuelle aux procédures judiciaires.

Par ailleurs, en vertu du droit international relatif aux droits humains, les États ont l'obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire évoluer les comportements sociaux et culturels qui sont à l'origine des préjugés et de la discrimination contre les femmes, ainsi que les idées stéréotypées sur les rôles des hommes et des femmes. Pour obtenir des changements profonds et durables, et garantir aux femmes une vie sans violence liée au genre, notamment sans viol ni sévices sexuels, il est indispensable de mener un travail de prévention à tous les niveaux de la société.

Amnesty International est convaincue que le manque de prévention et de protection des femmes et des jeunes filles contre le viol et les autres violences sexuelles, ainsi que la difficulté pour les victimes de viol d'obtenir justice, font partie des principales atteintes aux droits des femmes dans les pays nordiques. Des mesures concrètes visant l'appareil judiciaire sont nécessaires pour améliorer la gestion judiciaire des cas de viol et la qualité des enquêtes, de sorte que celles-ci forment une base solide pour les poursuites et les procès. Les gouvernements des pays nordiques doivent veiller à ce que les procédures judiciaires dans les affaires de viol soient impartiales et équitables, et ne soient pas faussées par des clichés liés au genre sur la sexualité ou par des préjugés à l'égard de certains groupes de femmes et de jeunes filles. Pour cela, de nombreuses mesures s'imposent, notamment en matière de formation et d'éducation, afin de faire évoluer les comportements discriminatoires à l'égard des femmes. Les gouvernements des pays nordiques doivent relever ce défi de toute urgence en agissant avec fermeté.

2. LE VIOL DANS LES PAYS NORDIQUES

Les pays nordiques – le Danemark, la Finlande, la Norvège et la Suède – sont souvent cités en exemple dans le domaine de l'égalité des genres. Les revendications des mouvements de femmes ont ouvert la voie à la participation des femmes dans tous les secteurs de la société. Les gouvernements de ces pays accordent depuis longtemps une grande attention à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes dans la vie publique, le travail, l'éducation, la participation politique, la représentation et les postes de direction. Néanmoins, la persistance de la violence contre les femmes est un signe que les rapports de forces entre les hommes et les femmes y restent inégaux.

Au cours des vingt ou trente dernières années, cette constatation a influencé, à différents degrés, l'ordre du jour politique des pays nordiques, et des mesures de lutte contre la violence des hommes à l'égard des femmes sont intégrées aux politiques menées par les gouvernements pour instaurer l'égalité des genres.

Dans le cas de la Suède, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la violence contre les femmes a fait observer que, si le pays avait atteint un niveau impressionnant d'égalité des genres dans les domaines dits publics, comme le travail, l'éducation et la participation politique, ces progrès semblaient s'être arrêtés aux portes des maisons. L'inégalité des rapports de forces entre les hommes et les femmes continue d'être alimentée par des normes patriarcales profondément ancrées qui sont reproduites dans les sphères dites privées que sont la vie familiale et les relations sexuelles3. En conséquence, la politique d'égalité des chances est une stratégie nécessaire mais pas suffisante pour parvenir à une parfaite égalité des genres et garantir aux femmes une vie sans violence.

La violence liée au genre est un sujet de débat public et de discussion dans les pays nordiques. Les gouvernements, les hommes et femmes politiques et les systèmes judiciaires affirment tous que la lutte contre la violence liée au genre est une grande priorité. Différentes mesures ont été adoptées, notamment des réformes législatives, la formation des policiers et des magistrats du parquet, l'amélioration des dispositifs d'aide aux victimes de violence sexuelle et l'adoption de plans d'action nationaux contre la violence à l'égard des femmes. Cependant, le viol et les autres violences sexuelles restent une réalité inquiétante, qui touche chaque année des milliers de femmes et de filles dans l'ensemble des pays nordiques.

LA PLUPART DES CAS DE VIOL NE SONT JAMAIS RÉVÉLÉS

Des statistiques officielles sur la criminalité sont disponibles et rendues publiques dans tous les pays nordiques. Par ailleurs, des études de fréquence et des enquêtes auprès de la population ont été menées, par exemple au Danemark, en Finlande et en Suède. Ces études montrent que les statistiques des pays sur la criminalité ne comprennent qu'une petite partie des viols réellement commis. Le nombre de cas passés sous silence semble être particulièrement élevé en Finlande : selon les estimations, seuls 2 à 10 % des viols y sont signalés, contre environ 25 % au Danemark.

Pour diverses raisons, la grande majorité des victimes ne portent jamais plainte à la police. Certaines femmes ressentent de la honte, ou se sentent coupables, d'avoir été violées. Beaucoup craignent que cette démarche ne se retourne contre elles. D'autres manquent de soutien et se heurtent à la méfiance et à des comportements négatifs de la part de leur entourage.

Parallèlement, des milliers de femmes décident, elles, de porter plainte, mais obtiennent rarement justice et réparation. Dans la pratique, leur droit à la justice reste entravé, malgré l'obligation des États d'enquêter sur tous les cas de viol et de demander des comptes à leurs auteurs.

LES CAS DE VIOL SIGNALÉS

Le nombre de viols signalés, y compris de tentatives de viol, varie considérablement selon les pays.
Le Danemark est le seul pays où ce chiffre semble rester stable, avec environ 500 cas par an ces cinq dernières années. D'après les études menées, la tendance à plus long terme semble indiquer une baisse du nombre de viols dans ce pays. Cela s'explique par une évolution des normes sociales, qui a amené la population à prendre davantage conscience de la gravité de ce crime4.
En Finlande, le nombre de viols signalés a augmenté ces dix dernières années, atteignant 900 cas en 2008 5.
En Norvège, le nombre de cas signalés a augmenté de 30 % entre 2003 et 2008, passant de 731 à 949.
En Suède, selon les statistiques officielles sur la criminalité, le nombre de viols signalés a été multiplié par quatre ces vingt dernières années. En 2008, un peu plus de 4 000 viols de personnes de plus de quinze ans, en grande majorité des femmes et des jeunes filles, ont ainsi été signalés6.

Cependant, les statistiques sur la criminalité dans les différents pays ne sont pas comparables. Outre les différences de taille de population, les pays utilisent différents modes d'enregistrement des plaintes pour viol auprès de la police. Ainsi, au Danemark et en Norvège, les statistiques recensent les affaires de viol (généralement une affaire par victime), tandis qu'en Suède elles recensent les actes de viol. Par exemple, si une femme est violée à plusieurs reprises par le même homme dans une journée, chaque viol sera enregistré comme une infraction séparée. La même règle s'applique pour les femmes violées par un groupe d'hommes. Les statistiques danoises et norvégiennes indiquent donc le nombre de personnes ayant signalé un viol, tandis que les statistiques suédoises donnent le nombre d'actes de viol signalés.

L'augmentation du nombre de viols signalés en Norvège et en Suède peut s'expliquer en partie par l'adoption de réformes progressives qui ont élargi la définition juridique du viol, ainsi que par une plus forte propension des victimes à porter plainte. Néanmoins, on ne peut pas exclure la possibilité que cette hausse traduise réellement une augmentation du nombre de viols en Finlande, en Norvège et en Suède.

DES AFFAIRES JAMAIS JUGÉES – LE PROCESSUS D'ABANDON DES POURSUITES

La situation en Finlande, en Norvège et en Suède est la même que dans plusieurs autres pays européens : le nombre de viols signalés augmente fortement et régulièrement depuis quelques décennies, tandis que le nombre de poursuites et de condamnations reste pratiquement stable. Le processus d'abandon est celui par lequel un certain nombre d'infractions présumées ne sont jamais jugées, soit parce qu'elles ne sont jamais signalées, soit parce que les poursuites sont abandonnées à différents stades de la procédure.

Dans les pays nordiques, une femme qui porte plainte pour viol auprès de la police n'a que très peu de chance de voir l'affaire portée devant un tribunal. En conséquence, beaucoup d'auteurs de viol n'ont jamais à répondre de leurs actes.

Au Danemark, 20 % en moyenne des viols signalés aboutissent à une condamnation devant un tribunal ; 60 % des affaires de viol dont le suspect a été identifié par la police et inculpé sont classées par le parquet et ne sont jamais jugées.
En Finlande, environ 16 % des cas de viol signalés débouchent sur un procès. Entre 1997 et 2007, le taux d'acquittement dans les tribunaux de district a été de 19 %. Seuls quelque 13 % des viols signalés aboutissent à une condamnation.
En Norvège, environ 16 % des cas de viol signalés sont jugés. Le taux d'acquittement pour ces affaires est de 36 %. Au final, seuls 12 % des viols signalés débouchent sur une condamnation.
En Suède, 20 % des actes de viol signalés ont abouti à un procès en 20087, ce qui constitue une nette augmentation par rapport aux deux années précédentes, où le taux de procès était inférieur à 15 %. On ne dispose pas de chiffres sur le nombre de viols signalés qui aboutissent à une condamnation, car les statistiques officielles portent sur le nombre de personnes condamnées et non sur le nombre de cas donnant lieu à une condamnation. En 2008, 262 personnes ont été reconnues coupables de viol.

Un certain nombre d'affaires sont classées parce que l'auteur n'a pas été identifié, mais la majorité le sont en raison de l'« état des preuves »ou parce qu'« il ne peut pas être prouvé qu'un crime a été commis ». Même lorsque les affaires sont jugées, le taux d'acquittement est très élevé. Il existe donc une préoccupation commune à tous les pays nordiques : le manque de protection juridique des victimes de viol.

DERRIÈRE LES STATISTIQUES, DES FEMMES

Le viol est toujours un crime et une violation des droits humains, quelles que soient l'identité de la victime et ses relations avec l'auteur du viol. Cependant, il est important de déterminer dans quelles circonstances surviennent les différents types de viol. Il est tout aussi important de savoir qui sont les victimes de viol et d'agression sexuelle et lesquelles, parmi elles, sont considérées par la société comme des « victimes idéales ». Ces informations peuvent nous aider à comprendre et à combattre les idées stéréotypées sur le « vrai viol »et la « victime idéale ». C'est essentiel pour élaborer des stratégies et des mesures de prévention efficaces, augmenter le taux de poursuites, et offrir des soins et une aide appropriés aux victimes.
Des femmes jeunes

Une grande proportion des victimes de viol dans les pays nordiques sont des jeunes filles de moins de dix-huit ans et des jeunes femmes.
Au Danemark, 56 % des victimes ayant signalé un viol en 2007 avaient moins de vingt ans.
En Finlande, plus de 70 % des victimes avaient moins de trente ans.
En Norvège, 45 % des viols signalés à la police en 2006 concernaient une victime de moins de vingt ans.
En Suède, près de 25 % des victimes ayant signalé un viol en 2008 avaient entre quinze et dix-sept ans et 98 % de celles-ci étaient de sexe féminin.
Cette proportion relativement élevée de jeunes filles dans le nombre total de victimes indique que les États nordiques doivent étudier tout particulièrement les circonstances de ces viols, en particulier l'identité des auteurs, les situations dans lesquelles les viols se produisent, et les besoins spécifiques d'assistance médicale et psychosociale des victimes compte tenu de leur âge et de leur statut de mineures aux termes de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Le viol dans les relations intimes

Comme toutes les autres formes de violence liée au genre commise par le partenaire, le viol dans les relations intimes est un abus de confiance. En général, les statistiques sur la criminalité sous-estiment largement le nombre de ces viols.

Des études menées au Danemark montrent que la majorité des agressions sexuelles sont commises par des partenaires ou des anciens partenaires des victimes ; ceux-ci sont en effet responsables de plus de trois cas sur quatre de relations sexuelles forcées subies par les femmes de plus de seize ans8.
Une étude réalisée en 2004 a révélé que, en Finlande, les viols dans les relations intimes ou familiales représentaient 13 % des cas de viol.
En Suède, la proportion de femmes affirmant avoir été violées dans le cadre d'une relation intime a été pratiquement divisée par deux en dix ans et représentait 17 % des cas de viol signalés en 2006. Cependant, le nombre de femmes ayant fait la démarche de porter plainte à la police pour un viol dans le cadre de relations intimes a augmenté de 24 % sur la même période9.

Par ailleurs, des études menées en Suède indiquent que, dans plus de la moitié des cas, d'autres infractions ont été signalées en même temps que le viol dans les relations intimes, notamment des agressions physiques, des menaces illégales ou de graves violations de l'intégrité des femmes10. Cela montre que le viol fait souvent partie intégrante d'un phénomène plus large de violence contre les femmes dans les relations intimes. Cependant, ces dernières années, un plus grand nombre de viols non accompagnés d'autres violences ont été signalés, ce qui pourrait indiquer que les victimes sont davantage prêtes à dénoncer le viol dans les relations intimes même s'il n'entraîne pas de blessures physiques.
Le viol par une connaissance ou un compagnon de sortie

Au Danemark, en 2006, 46,5 % des femmes qui ont contacté le Centre pour les victimes d'agression sexuelle de Copenhague ont affirmé avoir été violées par une connaissance (un homme qu'elles venaient de rencontrer ou qu'elles connaissaient de manière superficielle).

En Finlande, dans la majorité des cas de viol signalés, la victime et son agresseur se connaissaient. Souvent, le viol a été commis au domicile de l'un ou de l'autre. Près de la moitié des viols signalés à la police se sont produits entre connaissances ou lors d'un rendez-vous.

En Suède, les viols commis par une connaissance superficielle représentent environ 40 % du nombre total de viols signalés. Par ailleurs, on constate dans ce pays une augmentation des viols commis alors que la victime et son agresseur venaient juste de faire connaissance, par exemple dans un restaurant, un bar ou une boîte de nuit.
Le viol lors d'une agression soudaine par un inconnu

Le viol par un parfait inconnu qui agresse soudainement une femme (aussi appelé « viol éclair ») est souvent qualifié par la police de viol « réel », « facile », « classique »ou « simple ». En effet, ce type de viol est considéré comme relativement facile à traiter en termes d'enquête, car la crédibilité de la victime ne peut pas être remise en cause comme dans les viols par des connaissances. Cependant, qualifier ces viols de « réels »semble vouloir dire que les autres viols ne sont pas des vrais viols. Le nombre de viols commis par des inconnus a diminué au Danemark et en Suède au cours des dix dernières années. En Finlande, ils représentent 25 % des viols signalés.
Les viols en réunion

Une étude récente menée au Danemark montre que 29 % des viols commis par des inconnus et signalés à la police sont des viols en réunion, impliquant plusieurs auteurs.

Le nombre de ces viols a nettement augmenté ces dix dernières années en Suède. En 2006, ils représentaient 18 % des cas de viol signalés. Dans certains cas, il peut s'agir de viols ou de tentatives de viol à répétition d'une même victime par différents agresseurs agissant séparément pendant une même nuit, par exemple lors d'une soirée privée. Dans 80 % des cas, la victime connaît ses agresseurs.

3. LE CADRE JURIDIQUE

Dans les pays nordiques, le viol est une infraction punie par la loi depuis des siècles. À l'origine, dans les affaires de viol, les lois pénales de ces pays insistaient sur l'« honneur »ou le « mérite »de la victime. La situation maritale et la virginité de celle-ci avaient une importance cruciale pour déterminer si le viol devait être considéré ou non comme un crime et quelle était la peine appropriée. La loi visait à protéger l'honneur et la valeur des femmes en tant que propriété de leur père ou de leur mari, plutôt qu'à protéger leur sécurité physique et mentale.

Au fur et à mesure de l'évolution des mentalités sur le rôle des femmes dans la société, la perception du viol a aussi évolué. Ces changements transparaissent dans la législation actuelle au Danemark, en Finlande, en Norvège et en Suède. Cependant, les lois nationales de ces pays n'ont pas évolué de la même manière, ni en même temps.

En comparaison avec les autres pays nordiques, il est clair que la Finlande a été plus lente à réformer sa législation sur le viol et la violence à l'égard des femmes. Par exemple, la Suède a été l'un des premiers pays au monde à ériger en infraction le viol au sein du mariage, tandis que la Finlande a été parmi les derniers pays européens à le faire.

LA LÉGISLATION EST-ELLE CONFORME AUX NORMES ACTUELLES EN MATIÈRE DE DROITS HUMAINS ?

Les normes relatives aux droits humains de ce millénaire disposent que la protection du droit à l'intégrité et à l'autonomie sexuelles des personnes, quels que soient leur genre ou leur situation maritale, doit être la base de toute loi pénale sur le viol et les autres violences sexuelles. Ce n'est pas l'existence d'actes ou de menaces de violence qui doit définir la gravité d'un crime contre l'autonomie sexuelle. Le droit international pénal considère qu'il y a viol dès lors que le consentement véritable n'est pas possible, c'est-à-dire en cas de contrainte, de recours à la force ou de menace de recours à la force.

Cette conception transparaît clairement dans l'arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire M.C. c. Bulgarie11. Selon cet arrêt, les États ont l'obligation de juger et de punir tous les actes sexuels non consentis, même en l'absence de résistance physique de la part de la victime. La Cour a aussi noté une tendance à reconnaître que le viol est une atteinte à l'autonomie sexuelle. Cette conception est aussi celle qui a été adoptée par les tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, ainsi que dans les Éléments des crimes de la Cour pénale internationale.


La définition du viol dans le droit international

La définition du viol utilisée par la Cour pénale internationale (CPI) dans ses Éléments des crimes devrait servir d'exemple aux États :

« 1. L'auteur a pris possession du corps d'une personne de telle manière qu'il y a eu pénétration, même superficielle, d'une partie du corps de la victime ou de l'auteur par un organe sexuel, ou de l'anus ou du vagin de la victime par un objet ou toute autre partie du corps.
« 2. L'acte a été commis par la force ou en usant à l'encontre de ladite ou desdites ou de tierces personnes de la menace de la force ou de la coercition, telle que celle causée par la menace de violences, contrainte, détention, pressions psychologiques, abus de pouvoir, ou bien à la faveur d'un environnement coercitif, ou encore en profitant de l'incapacité de ladite personne de donner son libre consentement12. »

Le consentement est défini de la manière suivante dans la règle 70 du Règlement de procédure et de preuve de la CPI :
« a) Le consentement ne peut en aucun cas être inféré des paroles ou de la conduite d'une victime lorsque la faculté de celle-ci de donner librement un consentement véritable a été altérée par l'emploi de la force, de la menace ou de la contrainte, ou à la faveur d'un environnement coercitif ;
« b) Le consentement ne peut en aucun cas être inféré des paroles ou de la conduite d'une victime lorsque celle-ci est incapable de donner un consentement véritable ;
« c) Le consentement ne peut en aucun cas être inféré du silence ou du manque de résistance de la victime de violences sexuelles présumées […] »

Amnesty International appelle les États à intégrer ces dispositions dans leur propre législation pénale.


LES DÉFINITIONS DU VIOL

Amnesty International demande que le viol et les autres violences sexuelles soient définis comme des actes sexuels commis sans le consentement libre et réel de la femme ou de la jeune fille concernée13. Une femme ou une fille ne doit pas, en droit ou en pratique, être présumée consentante au motif qu'elle n'a pas résisté physiquement à des actes sexuels non désirés, que l'auteur de ces actes ait ou non utilisé ou menacé d'utiliser la violence physique.

Les lois sur le viol des différents pays nordiques comportent de nombreuses similitudes. Par exemple, dans les quatre pays, c'est l'usage de la violence ou de menaces de violence qui détermine la « gravité »du viol. Par ailleurs, la responsabilité pénale est liée à la capacité de prouver que l'acte sexuel a impliqué des violences ou des menaces de violence. Cela montre que, dans les sociétés nordiques, malgré tous les progrès réalisés en matière d'égalité des genres dans de nombreux domaines, les dispositions juridiques relatives au viol restent insuffisantes pour protéger l'autonomie sexuelle des victimes, dont la très grande majorité sont des femmes et des jeunes filles.

En Norvège et en Suède, la lettre de la loi permet de considérer qu'il y a eu viol même si l'usage de la force a été très limité : il peut suffire par exemple que l'auteur du viol ait « entravé les mouvements de la victime », par exemple en lui tenant les bras pour l'immobiliser, en pesant sur elle de tout son poids ou en lui écartant les jambes de force. En outre, en Norvège et en Suède, les dispositions relatives au viol incluent spécifiquement les situations dans lesquelles la victime est dans l'incapacité de résister en raison de son désarroi.

D'autre part, du point de vue des droits humains, il est important que les actes ne comprenant aucune forme de pénétration ou de rapport sexuel soient reconnus comme des infractions lorsqu'ils portent atteinte à l'autonomie et à l'intégrité sexuelles de la victime. C'est le cas dans la plupart des pays nordiques. Au Danemark, en Norvège et en Suède, les définitions du viol comprennent, outre la pénétration orale, vaginale ou anale avec une partie du corps ou un objet, tous les actes sexuels forcés sans pénétration, comme les attouchements sur les parties génitales ou la masturbation.

En revanche, la définition du viol en Finlande diffère en de nombreux points de celles des autres pays nordiques. Dans ce pays, elle s'appuie sur la définition des rapports sexuels. Or, aux termes du Code pénal finlandais, un rapport sexuel implique la pénétration d'un organe génital ou par un organe génital.

DANEMARK : LE VIOL ET LES ATTEINTES SEXUELLES AU SEIN DU MARIAGE

Le droit et les normes internationaux exigent que le viol et les autres violences sexuelles ne soient pas considérés comme des crimes contre la morale ou l'honneur, mais comme des crimes contre l'intégrité et l'autonomie sexuelles des victimes. Or, le Code pénal danois traite du viol dans le chapitre sur les crimes de mœurs, ce qui implique que l'objet principal de la loi est la protection de la morale et de l'honneur.

De façon encore plus préoccupante, le droit danois ne garantit pas la même protection contre les infractions sexuelles aux femmes mariées qu'aux autres femmes. Ainsi, les rapports sexuels non consentis avec une victime se trouvant dans l'incapacité de résister, qui sont considérés comme une atteinte sexuelle et non comme un viol par le Code pénal danois, ne constituent pas une infraction s'ils sont commis au sein du mariage. En outre, le fait de profiter de la dépendance ou de la maladie mentale d'une personne pour avoir avec elle des rapports sexuels non consentis n'est pas puni par la loi si l'auteur des faits est marié avec la victime. Le Code pénal danois prévoit également que l'auteur d'un viol peut prétendre à une réduction ou à une annulation de sa peine s'il se marie ou se met officiellement en concubinage avec la victime après le viol, ou s'il continue de vivre avec elle dans le cas où ils étaient déjà mariés ou en concubinage. Le viol et les autres violences sexuelles sont des atteintes graves au droit des femmes à l'autodétermination et à l'intégrité sexuelles – le fait qu'elles soient mariées ou non avec l'auteur des faits n'y change rien.

Le ministre de la Justice danois a affirmé que les relations sexuelles non consenties avec une victime incapable de se défendre ne devaient pas être incluses dans les dispositions du Code pénal sur le viol. Dans une déclaration écrite, le ministre a expliqué14 : « Il n'est pas naturel de parler de “viol”si l'auteur des faits n'a pas utilisé de contrainte physique, n'a pas menacé la victime et ne l'a pas mise dans un état annihilant sa capacité de résistance. »Le ministre a aussi affirmé que l'article 227 (sur la réduction ou l'annulation de la peine lorsque l'auteur des faits épouse la victime ou reste marié avec elle) ne devait pas être supprimé du Code pénal danois15 :« Le ministère de la Justice considère que cette disposition affirme des valeurs qui restent pertinentes, notamment la volonté de ne pas perturber l'union établie par le mariage, et la reconnaissance du fait que la société, dans une telle situation, doit respecter la capacité et le souhait de la victime de se réconcilier et de pardonner. »

Néanmoins, en novembre 2009, le ministre de la Justice a demandé à la commission permanente chargée des révisions du Code pénal de se pencher sur les dispositions relatives au viol et aux atteintes sexuelles, notamment sur les dispenses de peine au sein du mariage et les niveaux de sanction pour les différentes catégories de viols (le viol par un inconnu, le viol par une connaissance, le viol par un partenaire16). Amnesty International a salué cette initiative.

FINLANDE : LES DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE VIOLS

Le Code pénal finlandais distingue trois catégories de viol, définies en fonction du degré de violence physique utilisé par l'agresseur : le viol, le viol aggravé et le rapport sexuel contraint. Selon la loi, un viol peut être considéré comme un simple rapport sexuel contraint (ou « viol avec circonstances atténuantes ») si l'auteur n'a fait usage que de violences ou de menaces limitées, et si l'examen de l'acte dans son ensemble fait apparaître des circonstances atténuantes.

Les décisions de justice montrent qu'environ 50 % des personnes reconnues coupables de viol sont condamnées à des peines d'emprisonnement, contre seulement 10 % des personnes qui sont reconnues coupables de rapports sexuels contraints. Par ailleurs, en 2007-2008, pour les affaires de rapports sexuels contraints, 91 % des peines prononcées ont été des peines avec sursis, d'une durée moyenne de sept mois17.

Le parquet et les tribunaux finlandais considèrent souvent les viols comme de simples rapports sexuels contraints, même lorsqu'ils ont clairement entraîné des lésions physiques. Par exemple, dans l'affaire d'une femme retenue prisonnière pendant plusieurs jours, violée à plusieurs reprises et privée de ses médicaments, la qualification retenue pour le crime a été celle des rapports sexuels contraints.

« La violence utilisée n'a pas atteint un degré suffisant pour que l'on puisse parler de viol »
C'est ce qu'a conclu un tribunal de district finlandais dans l'affaire d'un homme d'une trentaine d'années qui avait contraint une femme à avoir un rapport sexuel avec lui dans les toilettes pour handicapés d'un restaurant, en lui cognant la tête contre le mur et en lui tordant le bras dans le dos. Elle ne pouvait pas crier car l'homme lui plaquait sa main sur la bouche. Le parquet a conclu qu'il ne s'agissait pas d'un viol car le degré de violence utilisée était limité et l'agresseur avait des circonstances atténuantes. Cet homme a été reconnu coupable de rapport sexuel contraint et condamné à une peine de sept mois de prison avec sursis.

En comparaison, dans le droit finlandais, le refus d'effectuer son service militaire obligatoire, y compris sous la forme d'un service civil, est puni d'au moins six mois de prison.

FINLANDE : C'EST À L'ÉTAT, ET NON À LA VICTIME, QU'INCOMBE LA RESPONSABILITÉ D'ENGAGER DES POURSUITES

La Finlande est le seul pays nordique où le rapport sexuel contraint, aussi qualifié de « viol avec circonstances atténuantes », ainsi que certaines formes d'atteintes sexuelles, donnent lieu à des poursuites à l'initiative du plaignant, c'est-à-dire que la police n'ouvre une information judiciaire que si la victime en fait la demande expresse. Il en résulte bien entendu que les affaires de rapports sexuels contraints sont bien moins souvent déférées à la justice que les affaires de viol.

Par ailleurs, en Finlande, une victime de viol ou d'atteintes sexuelles peut exercer son« libre arbitre »en demandant au parquet de ne pas poursuivre l'auteur des faits. Cette possibilité entraîne le risque de voir l'agresseur ou d'autres personnes faire pression sur la victime pour qu'elle demande l'abandon des poursuites, sans que le parquet n'ait aucun moyen de vérifier si la demande a réellement été formulée de plein gré.

Ces dispositions portent à croire que c'est à la victime de décider si un crime a été commis ou non. Or, du point de vue des droits humains, c'est aux États qu'incombe la responsabilité d'engager des poursuites efficaces sur tous les crimes commis contre des femmes, conformément à la résolution 52/86 de l'Assemblée générale des Nations unies. Dans l'affaire Opuz c. Turquie18, la Cour européenne des droits de l'homme a aussi évoqué l'intérêt public qu'il y avait à ce que l'État engage des poursuites contre les auteurs d'actes de violence contre les femmes, que la victime ait porté plainte ou pas.

DES DÉFINITIONS DU VIOL TROP RESTRICTIVES

Au Danemark et en Finlande, lorsqu'une femme n'est pas en mesure de résister parce qu'elle est endormie, qu'elle est sous l'emprise de l'alcool ou de la drogue, ou qu'elle est inconsciente ou malade, le crime n'est pas qualifié de viol, mais d'atteinte sexuelle.

Du point de vue des droits humains, cette restriction est extrêmement préoccupante. En effet, le fait de se focaliser sur la question de savoir si la victime était ou non en état de résister et si elle était responsable de cet état revient à considérer que ce sont les actes de la victime, et non ceux de l'auteur du crime, qui sont décisifs pour déterminer s'il y a eu viol. Cette façon d'aborder le problème est clairement contraire à la définition du viol utilisée par la Cour pénale internationale, ainsi qu'à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme.

Du point de vue des droits humains, le fait qu'une personne soit dans l'incapacité de résister ne diminue en rien son droit à l'autonomie et à l'intégrité sexuelles, que cette incapacité soit de son fait ou de celui de son agresseur. Les dispositions juridiques en vigueur au Danemark et en Finlande, qui considèrent la responsabilité de la femme dans son état d'incapacité comme un élément déterminant pour savoir s'il y a eu viol ou pas, laissent entendre que le fait de violer une personne incapable de donner son libre consentement est moins grave que de violer une personne capable de résister.

Le droit de ces pays considère que les femmes qui se mettent elles-mêmes dans un état d'impuissance ou d'inconscience méritent moins d'être protégées que les autres femmes. Cette conception semble s'appuyer sur les stéréotypes discriminatoires en matière de genre selon lesquels une femme « convenable » et « honorable »est censée rester maîtresse d'elle-même et ne pas perdre sa capacité de réaction. En conséquence, les femmes qui sont capables de se défendre méritent davantage d'être protégées, et les crimes commis à leur encontre sont considérés comme plus graves.

En outre, quand les faits en question ne sont pas qualifiés de viol, mais de simple atteinte sexuelle, les peines encourues sont beaucoup moins élevées. Or, Amnesty International est convaincue que, en droit comme en pratique, les peines doivent être proportionnelles à l'infraction commise. Prononcer des peines extrêmement clémentes, c'est laisser entendre à la société en général que le viol d'une personne incapable de résister n'est pas un crime grave.

Au Danemark, la peine maximale pour un rapport sexuel non consenti avec une victime se trouvant dans l'incapacité de résister est deux fois moins élevée que celle pour un viol19. En Finlande, il n'est pas rare que les auteurs d'atteintes sexuelles n'écopent que d'une amende.

En 2007-2008, les tribunaux de district finlandais ont examiné presque autant d'affaires d'atteintes sexuelles que d'affaires de viol. Les auteurs de viol sur des personnes dans l'incapacité de résister ont rarement écopé de peines de prison. Les deux tiers des condamnations prononcées pour atteintes sexuelles ont été des peines avec sursis, d'une durée moyenne de sept mois. Dans 20 % des cas, l'auteur des faits a écopé d'une simple amende, et un peu plus de 25 % des affaires ont abouti à un non-lieu20.

Militante d'Amnesty International en Norvège portant une pancarte sur laquelle on peut lire :« Si tu donnes une gifle à ta petite amie, est-ce un acte de violence ? »La section norvégienne d'Amnesty International a publié, à partir d'une enquête, un rapport sur la manière dont les hommes perçoivent la violence à l'égard des femmes.
© Amnesty International

Viol ou atteinte sexuelle ? Deux décisions de justice prononcées par des tribunaux de district finlandais
Sur un ferry reliant la Finlande à la Suède, un homme a emmené une femme ivre dans sa cabine et a abusé d'elle. Elle s'est réveillée pendant le rapport sexuel, a commencé à appeler à l'aide et a essayé de repousser cet homme. Entendant ses cris, son amie est entrée dans la cabine pour l'aider. Le tribunal a considéré que le témoignage de la femme selon lequel elle était ivre et ne se souvenait pas de tout était crédible. Ce témoignage était conforté par celui de son amie sur la quantité d'alcool absorbée, par celui de l'équipage du ferry qui a raconté avoir vu cette femme se cogner dans les tables et dans les portes, et par les blessures correspondantes constatées sur le corps de la victime. En revanche, le tribunal a jugé que le témoignage de l'homme, qui affirmait avoir rencontré la femme au restaurant et dansé avec elle avant d'avoir des rapports sexuels librement consentis, n'était pas crédible et se contredisait en partie. Cet homme a été reconnu coupable d'atteinte sexuelle et condamné à huit mois de prison avec sursis. Si les faits s'étaient produits sur un ferry battant pavillon suédois, ils auraient été qualifiés de viol.

Un garçon de dix-sept ans a reconnu avoir eu un rapport sexuel avec une de ses camarades de classe, âgée de seize ans, à l'issue d'une soirée privée. La jeune fille dormait, ivre morte. Le garçon a été condamné à 40 jours-amendes, ce qui signifie que l'infraction a été estimée à peu près aussi grave qu'un excès de vitesse.

4. LE PARCOURS JUDICIAIRE

Amnesty International a déterminé les différentes étapes que les femmes et les filles devraient pouvoir suivre pour dénoncer les violences sexuelles dont elles sont victimes et demander réparation par le biais du système judiciaire. Ces étapes sont notamment les suivantes :
les victimes doivent pouvoir dénoncer les violences sexuelles à la police facilement et en toute sécurité ;
les enquêtes doivent examiner tous les éléments de preuve pertinents ;
les procédures de recueil et de traitement des éléments médicolégaux doivent être accessibles et efficaces ;
le parquet doit engager des poursuites pénales contre les suspects dès lors qu'il existe des motifs raisonnables de le faire.
Bien que les pays nordiques aient accompli des progrès considérables dans la mise en œuvre de ces normes, il n'en reste pas moins que, dans les faits, seule une petite partie des viols signalés aboutissent à des poursuites et à une condamnation. La majorité des affaires sont au contraire classées sans suite. En conséquence, les femmes qui dénoncent un viol à la police ont peu de chance de voir leur affaire portée devant un tribunal, et encore moins d'obtenir la condamnation de l'auteur présumé des faits.
LES PRINCIPES DU SYSTÈME JUDICIAIRE

Les poursuites à la diligence du ministère public ou du plaignant

Au Danemark, en Norvège et en Suède, la police a l'obligation d'enquêter sur tout viol présumé, même si la victime ne souhaite plus coopérer ou s'oppose à la poursuite de l'instruction. Par ailleurs, d'autres personnes que la victime peuvent signaler un viol. Les poursuites judiciaires sont menées par le ministère public au nom de la société. Celui-ci a l'obligation absolue d'engager une procédure judiciaire s'il estime que les éléments de preuve sont suffisants. En revanche, en Finlande, seules deux catégories de viol sur les trois – le viol et le viol aggravé – font l'objet de poursuites engagées à la diligence du ministère public. Dans le cas d'un rapport sexuel contraint, ou « viol avec circonstances atténuantes », l'initiative des poursuites revient au plaignant, ce qui signifie que la police n'ouvre une enquête que si la victime elle-même en fait expressément la demande.
L'intention criminelle

Pour reconnaître une personne coupable de viol, il faut prouver hors de tout doute raisonnable que le rapport sexuel a eu lieu sous la contrainte, et que l'auteur des faits était conscient du caractère forcé et contraint de l'acte sexuel et a agi avec une intention criminelle. En Norvège, en 2000, un amendement aux dispositions sur les infractions sexuelles du Code pénal a érigé en infraction le viol par faute grave. Cette disposition offre la possibilité de condamner une personne pour viol même en l'absence d'intention criminelle. En conséquence, si, par faute, un homme ne s'est pas rendu compte du caractère forcé ou contraint d'un acte sexuel imposé à une femme, il peut être reconnu coupable de viol par faute grave.
L'état de droit

L'état de droit s'appuie sur deux principes fondamentaux d'égale importance. D'une part, en vertu du droit à la certitude juridique et à l'égalité devant la loi, les États ont l'obligation de veiller à ce que nul ne soit condamné sans avoir bénéficié d'un procès exhaustif et équitable, et à ce que toutes les affaires similaires soient traitées de la même manière. La police et le ministère public doivent mener une enquête impartiale. Pour prononcer une condamnation, le tribunal doit acquérir la certitude, « hors de tout doute raisonnable », que le prévenu a bien commis le crime dont il est accusé. Le droit à un procès équitable et à l'égalité devant la loi est une garantie en matière de droits humains qui établit la présomption d'innocence tant que la culpabilité n'a pas été prouvée.

D'autre part, les États ont l'obligation de protéger leurs ressortissants et de punir les auteurs de crimes, afin de garantir la sécurité et la protection juridiques des victimes.
L'état des preuves

Avant de demander l'ouverture d'un procès sur une affaire, le ministère public doit évaluer si les éléments de preuve sont suffisants pour que le tribunal ait des chances raisonnables de conclure à la culpabilité de l'accusé. S'il considère une condamnation peu probable, il peut classer l'affaire en raison de l'« état des preuves ». Dans les pays nordiques, en comparaison avec les autres types de crimes violents, un pourcentage important d'affaires de viol sont classées avant d'être portées devant un tribunal.

PROCESSUSD'ABANDON DES POURSUITES : LA QUALITÉ DE L'ENQUÊTE EST CRUCIALE

Des études nationales et internationales ont montré que l'enquête de police et la gestion de l'instruction par le parquet jouaient un rôle crucial pour faire baisser le taux d'abandon des poursuites dans les affaires de viol.

Au Danemark, en Finlande et en Norvège, c'est la police qui est chargée d'enquêter sur les cas de viol. En Suède, c'est normalement le ministère public qui dirige l'enquête dans les affaires de crimes graves, comme les viols, et qui donne des instructions aux enquêteurs de la police. Dans les quatre pays, la décision d'inculper un auteur présumé de viol revient au parquet.

La probabilité pour les femmes d'obtenir justice et réparation dans les affaires de viol dépend largement de la qualité de l'enquête, car les constatations matérielles et les éléments recueillis sont à la base de la décision du ministère public d'engager ou non des poursuites, et servent de preuves lors du procès.

En termes d'enquêtes et de recherche de preuves, les problèmes ne sont pas les mêmes selon les types de viols. Si le viol a été commis par un inconnu, l'enquête doit, entre autres, chercher à identifier l'auteur des faits. Lorsque la femme a été violée par quelqu'un qu'elle connaît, l'enquête doit se concentrer sur l'acte criminel en lui-même. Dans beaucoup d'affaires de viol, l'auteur présumé et la victime reconnaissent l'existence de l'acte sexuel, mais la plaignante affirme y avoir été forcée ou contrainte tandis que l'auteur présumé soutient qu'elle était consentante. Souvent, c'est « la parole de l'un contre celle de l'autre »et l'évaluation de la crédibilité joue donc un rôle fondamental dans la conclusion de l'affaire. Dans une affaire de viol, la première phase de l'enquête, notamment l'examen des lieux du crime et l'enquête médicolégale, est essentielle, que le viol ait été signalé immédiatement ou quelque temps plus tard. Des études menées dans les pays nordiques ont montré que l'évaluation et l'analyse des cas de viol dépendaient largement de la motivation, des connaissances et du comportement des enquêteurs.

L'ABSENCE D'ENQUÊTES EFFICACES ET APPROFONDIES SUR LES CAS DE VIOL

Aucune étude approfondie n'a jamais été menée sur la qualité des enquêtes policières relatives aux infractions sexuelles au Danemark et en Finlande, ce qui est déjà en soi préoccupant.

Selon plusieurs études menées en Norvège, les enquêtes de la police sur les infractions sexuelles, y compris le viol, ne reçoivent pas la priorité et l'attention que leur gravité exigerait. Les suspects ne sont pas assez souvent interrogés et les interrogatoires pas assez approfondis. Le premier interrogatoire est souvent mal préparé, et les questions délicates sont souvent laissées pour plus tard. Une étude menée par le représentant du parquet a conclu que l'examen des lieux du crime n'avait été réalisé que dans environ la moitié des affaires étudiées, principalement lorsque le viol avait été signalé assez rapidement21. Souvent, dans les cas où l'accusé affirmait que la victime était consentante, aucune enquête n'avait été menée sur le lieu de l'infraction.
En Suède, un certain nombre d'irrégularités ont été constatées dans les enquêtes policières. Par exemple, les interrogatoires des suspects sont parfois retardés, alors qu'il est crucial qu'ils aient lieu immédiatement. De même, les enquêtes sont parfois closes sans que le suspect, pourtant identifié, n'ait été interrogé. Les policiers semblent considérer que l'auteur présumé prétendra de toute manière que la victime était consentante, ce qui les amène parfois à clore l'enquête sans même l'interroger. Par ailleurs, la version des faits présentée par le suspect n'est pas toujours suffisamment remise en cause, peu de questions lui sont posées et il n'est pas toujours confronté aux informations fournies par la plaignante. Il peut aussi être nécessaire d'interroger le suspect plusieurs fois, ce qui n'est généralement pas fait. Enfin, les technologies disponibles pour enregistrer les interrogatoires sont mal utilisées.

Le fait que les affaires de viol soient considérées comme difficiles à instruire et qu'elles soient si rarement jugées peut aussi décourager les policiers de faire preuve de la détermination nécessaire dans leurs enquêtes. C'est un cercle vicieux : le manque de motivation entraîne une mauvaise qualité des enquêtes, qui aboutit au classement des affaires, suscitant à son tour un manque de motivation.

Par ailleurs, Amnesty International est préoccupée par le fait que, d'après certaines informations, la qualité des enquêtes policières semble varier selon les enquêteurs et les districts en Norvège comme en Suède. Or, les chances de la victime de voir l'agresseur condamné ne doivent pas dépendre de la région où le viol a eu lieu, ni du policier qui était de service ce jour-là. Pour améliorer la situation, il est indispensable de partager et de mettre en œuvre les meilleures méthodes.

Enfin, Amnesty International craint que la faible priorité accordée à ces affaires, ainsi que le manque de connaissances et de formation sur la manière d'interroger les témoins et les suspects et d'obtenir les éléments de preuve nécessaires, ne portent atteinte à la qualité des enquêtes.

LE COMPORTEMENT À L'ÉGARD DES VICTIMES DE VIOL

Certaines victimes disent avoir été traitées de façon respectueuse par le système judiciaire, mais d'autres ont eu le sentiment de ne pas être prises au sérieux ou d'être l'objet d'une « loterie judiciaire ». Or, pour la poursuite et les résultats de l'enquête, il peut être décisif que la victime soit bien reçue et traitée avec professionnalisme. En effet, cela influe sur sa capacité à décrire les faits de la manière la plus détaillée possible et sur sa volonté de continuer à coopérer avec les enquêteurs.

Par exemple, au Danemark, certaines femmes auraient été interrogées sur leurs préférences sexuelles, leur éventuelle infidélité, leur tenue vestimentaire ou leur comportement sexuel, et auraient essuyé de la part des policiers des remarques sur leur comportement avant le viol les rendant responsables de la tournure des événements. En outre, certaines femmes ont été interrogées sans l'intimité nécessaire, par exemple avec la porte du bureau grande ouverte.

« Le pire a été quand ils[les policiers]m'ont dit qu'ils ne me croyaient pas […]Il faut voir comment ils ont présenté mon histoire, comme si j'avais des doutes sur ce qui s'était passé. C'était comme s'ils essayaient de faire pression sur moi, à plusieurs reprises, et comme s'ils n'étaient pas sûrs que j'avais vraiment raconté ce que je voulais raconter, que j'avais bien dit la vérité. C'est le sentiment que j'ai eu à l'époque, et j'étais très mal à l'aise. Je veux bien qu'ils m'informent de leur obligation d'examiner les faits avec objectivité, mais je trouve injuste d'avoir été traitée avec une telle méfiance et un tel scepticisme. »
Entretien avec une femme sur la façon dont elle a été traitée par la police danoise lors du signalement d'un viol22

LA « VICTIME IDÉALE »

Plusieurs études montrent que l'évaluation de la crédibilité de la version des faits donnée par la victime est souvent influencée par des clichés ou des préjugés. Elle dépend notamment de la manière dont est perçu le comportement de la femme au moment où elle vient porter plainte. Semble-t-elle bouleversée par la situation, pleure-t-elle, a-t-elle peur, est-elle ivre ? La première impression est inscrite dans le dossier et y reste tout au long de l'instruction de l'affaire. Elle fait donc partie des éléments pris en compte par le parquet lors de l'examen du dossier.

Au Danemark, une étude a montré que les policiers avaient des attentes bien précises sur la manière dont un récit crédible devait être formulé : à un certain rythme et dans un certain état d'esprit.

En Suède, un projet de recherche mené par Christian Diesen, professeur de droit, et Eva L. Diesen a conclu que l'aisance verbale et la classe sociale de la victime avaient une importance décisive dans ce contexte. En particulier, les jeunes femmes en état d'ivresse cadraient difficilement avec l'image stéréotypée de la « victime innocente ». En conséquence, aucune suite judiciaire n'est généralement donnée aux viols d'adolescentes commis par un petit ami ou par un compagnon de sortie. Les chercheurs ont aussi identifié d'autres groupes de femmes qui semblent avoir des difficultés à faire admettre leur version dans les enquêtes pour viol, par exemple les femmes originaires d'Asie ou d'Europe de l'Est qui ont eu des relations avec des hommes suédois, les travailleuses du sexe, les femmes sans abri, les consommatrices de substances psychotropes, les femmes souffrant de troubles mentaux, et les femmes ayant déjà signalé un viol. Il est donc fortement à craindre que, pour certaines femmes, la discrimination constitue un obstacle dans l'accès à une protection judiciaire.

Parallèlement, des études menées au Danemark et en Norvège ont montré que les femmes issues de groupes marginalisés étaient touchées de manière disproportionnée par les viols. Ainsi, selon un rapport publié en 200823, 24 % des femmes travaillant dans le milieu de la prostitution à Oslo (Norvège) interrogées dans le cadre d'une enquête sur la violence ont dit avoir été violées dans les douze mois précédents.

LES STÉRÉOTYPES ENTRAVENT LA JUSTICE

Plusieurs études montrent que l'analyse des affaires de viol est influencée par les normes et les valeurs auxquelles l'enquêteur et le procureur général sont attachés, et notamment par ce qu'ils considèrent être le comportement sexuel « normal »d'un homme et d'une femme. En conséquence, le droit des femmes à la justice et à l'égalité devant la loi peut être entravé par des idées discriminatoires sur la sexualité masculine et féminine.

« Quand vous allez interroger les témoins, vous découvrez qu'elle dansait sur les tables du bar tout en lançant ses vêtements autour d'elle. Cela ne justifie pas le fait qu'elle ait été violée, en aucun cas. Mais son comportement a largement contribué à susciter chez ces types certaines attentes et certains espoirs. »
Entretien avec un policier danois24

Pendant l'enquête et l'instruction, les policiers et les magistrats du parquet jugent parfois que certaines circonstances appuient la thèse selon laquelle l'homme n'était peut-être pas conscient de forcer la femme à avoir un rapport sexuel avec lui. C'est le cas notamment lorsque la femme avait tendance à flirter avec lui avant le viol, ou qu'elle a invité l'homme chez elle, ou qu'elle avait déjà eu des rapports sexuels avec lui. Dans ces circonstances, les affaires sont souvent classées car il est établi qu'il y a eu un malentendu excusable – ou que l'homme a été, de toute bonne foi, induit en erreur – sur l'envie de la femme d'avoir des rapports sexuels avec lui. La femme est jugée responsable, par son « imprudence », sa tenue vestimentaire « provocante »ou son comportement, de n'avoir pas fait comprendre clairement à l'homme qu'elle n'envisageait aucun acte sexuel avec lui. Pour résumer, les idées sur la manière dont une femme est censée se comporter avant, pendant et après un viol, ainsi que les stéréotypes sur la sexualité masculine et féminine, plaident davantage en faveur de la crédibilité de l'auteur du viol que de celle de la victime.

« En outre, les deux amis qui vous ont accompagnée en ville affirment que c'est vous qui cherchiez à séduire X et qu'il était pour eux évident qu'il se passerait quelque chose entre vous une fois de retour à votre domicile. »
Conclusion du procureur danois en charge d'une affaire de viol, expliquant pourquoi il abandonnait les poursuites25

Amnesty International s'inquiète de ce que des victimes de viol puissent ainsi être rendues responsables d'un crime commis contre elles, alors que dans les autres affaires on ne rejette généralement pas la responsabilité des actes criminels sur la victime. Il est donc impératif que l'évaluation de la « bonne foi »de l'auteur du viol soit réalisée en bonne et due forme et avec transparence. C'est une première étape indispensable pour combattre et éradiquer ce type de comportements, afin que, quelles que soient les circonstances, les éléments de preuve soient considérés avec professionnalisme dans le cadre de l'enquête et des poursuites.

LA MAUVAISE UTILISATION DES ÉLÉMENTS MÉDICOLÉGAUX

Le recueil et l'utilisation en bonne et due forme des éléments médicolégaux sont essentiels dans beaucoup d'affaires de viol. La constatation médicolégale de lésions physiques ou d'autres éléments comme du sperme ou d'autres traces sur le corps de la victime peut aider à identifier le coupable et étayer la thèse de la violence ou de la contrainte physique26. Amnesty International est convaincue que d'importants progrès pourraient être réalisés dans les pays nordiques en termes de recueil et d'utilisation des éléments médicolégaux.

Au Danemark, il existe des procédures de recueil de ces éléments. Cependant, au vu des statistiques qui montrent que seule une minorité d'affaires est portée devant une autorité judiciaire alors que la majorité des victimes de viol souffrent de lésions physiques, on peut conclure que, même lorsque les éléments médicolégaux existent, les affaires sont classées en raison de l'insuffisance des preuves (c'est toujours la parole de la victime contre celle de l'auteur des faits). Par ailleurs, il a été démontré que les éléments médicolégaux n'étaient pas décisifs dans l'aboutissement des affaires de viol, ce qui soulève des questions sur leur utilisation et leur analyse.

En Finlande, la qualité des examens médicolégaux varie selon les régions. Le personnel de santé n'est souvent pas conscient de l'importance de l'examen médicolégal des victimes de viol et connaît mal les normes à respecter pour cet examen, ce qui a des conséquences négatives sur le recueil des preuves.

En Norvège, il arrive souvent que les preuves médicales existantes ne soient pas utilisées pour étayer les allégations de la victime. Ainsi, dans un grand nombre d'affaires de viol dans lesquelles la victime avait été examinée par le Centre pour les victimes d'agressions sexuelles d'Oslo, la police n'a pas demandé à consulter les rapports d'expertise médicale établis par ce Centre, en partie semble-t-il pour des raisons financières. En effet, lorsque la police demande un rapport d'expertise médicale, le Centre peut demander un remboursement des frais engagés pour l'examen.

En Suède, les éléments médicolégaux ne sont utilisés que dans certaines affaires de viol. Il est préoccupant que la police demande si rarement les rapports d'expertise médicale qui pourraient servir de preuve lors du procès, d'autant qu'un nombre croissant de victimes ont le réflexe de consulter un professionnel de la santé après un viol. Par ailleurs, la mauvaise connaissance des différents types de certificats médicolégaux et le surplus de travail qu'ils impliquent pour la police font que celle-ci demande très rarement le type de certificat qui a le plus valeur de preuve.

Compte tenu du caractère non satisfaisant du recueil et de l'utilisation des éléments médicolégaux, les victimes de viol voient parfois leur affaire classée pour manque de preuves, alors que des éléments médicolégaux de lésions physiques étaient ou auraient pu être disponibles. Dans la pratique, les éléments médicolégaux sont une condition nécessaire, mais pas suffisante, pour garantir que justice soit rendue aux victimes de violations liées au genre. Pour pouvoir être utilisés dans la procédure judiciaire, ces éléments doivent être présentés et correctement expliqués. Tant que les stéréotypes en matière de genre, en particulier les clichés sur le comportement sexuel, continueront de fausser l'interprétation des preuves, les procès pour viol risqueront toujours de se conclure par des acquittements injustes malgré l'existence d'éléments médicolégaux de grande qualité.

LE MANQUE DE TRANSPARENCE

Le processus d'évaluation de la crédibilité de la victime et de l'accusé, ainsi que les raisons pour lesquelles une affaire est classée ou non, manquent largement de transparence dans les pays nordiques. Ces décisions sont prises à l'issue de délibérations informelles, qui ne respectent pas les garanties d'une procédure régulière. En particulier dans les affaires de viol, où la décision est influencée par l'évaluation de la crédibilité des parties et par des normes et des valeurs subjectives, il est indispensable que le raisonnement soit transparent et contrôlé afin que les attitudes et les stéréotypes concernant le comportement sexuel des hommes et des femmes ne jouent pas un rôle décisif dans l'analyse de l'affaire. Amnesty International demande que toutes les décisions sur la poursuite ou le classement d'une affaire soient soumises à une évaluation officielle et traitées le plus objectivement possible. L'organisation juge cette mesure indispensable pour s'assurer que la décision repose bien sur des faits, et non sur l'opinion personnelle de l'enquêteur ou du procureur.

Les États ont l'obligation de lutter contre les comportements discriminatoires
Le droit international relatif aux droits humains reconnaît que, pour éliminer la violence liée au genre, il faut changer les normes sociales et culturelles qui alimentent cette violence. En vertu de l'article 5-a de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, les États doivent prendre les mesures appropriées pour « modifier les schémas et modèles de comportement socioculturel de l'homme et de la femme en vue de parvenir à l'élimination des préjugés et des pratiques coutumières, ou de tout autre type, qui sont fondés sur l'idée de l'infériorité ou de la supériorité de l'un ou l'autre sexe ou d'un rôle stéréotypé des hommes et des femmes ».

Pour obtenir des changements profonds et durables garantissant aux femmes une vie sans violence liée au genre, notamment sans viol ni sévices sexuels, il est donc indispensable de mener un travail de prévention à tous les niveaux de la société.

Collecte de signatures en faveur de l'amélioration de la loi sur le viol au Danemark (Copenhague, mars 2009).
© Amnesty International

5. LA PRISE EN CHARGE DES VICTIMES DE VIOL

L'un des principes fondamentaux du droit international relatif aux droits humains est que l'État a la responsabilité d'accorder des réparations aux victimes de violations.

Les normes internationales relatives aux droits humains qui régissent la responsabilité des États à l'égard des victimes de violence liée au genre demandent aux États d'offrir aux victimes les prestations nécessaires pour assurer leur sécurité et favoriser leur réadaptation physique et psychologique. Ils doivent notamment mettre à leur disposition des services accessibles et adaptés, de bonne qualité, afin de leur apporter l'aide matérielle, médicale, psychologique et sociale dont elles ont besoin. Ces droits doivent être garantis même si l'auteur des faits n'est pas poursuivi ni condamné, et quelle que soit sa relation avec la victime.

LES SYSTÈMES D'AIDE AUX VICTIMES DANS LES PAYS NORDIQUES

Il n'existe pas de solution toute faite pour la mise en place de systèmes de réadaptation et d'aide aux victimes. Chaque pays doit tenir compte de son contexte social, démographique et géographique lorsqu'il s'acquitte de son obligation de fournir les services nécessaires aux victimes de violence sexuelle. Dans les quatre pays nordiques, les systèmes existants sont très variables.

Les centres pour les victimes d'agressions sexuelles au Danemark et en Norvège

Au Danemark et en Norvège, il existe dans les grandes villes des centres où les femmes victimes de violence sexuelle peuvent recevoir une aide médicale et psychologique spécialisée. Ces centres procèdent aussi à des examens médicolégaux et jouent un rôle important dans le recueil des preuves médicales nécessaires en cas de dépôt de plainte. Même si la disponibilité et l'accessibilité de ces centres dans les zones rurales de la Norvège restent un problème, les autorités danoises et norvégiennes ont clairement reconnu qu'il était de leur responsabilité d'offrir aux victimes des services d'aide et de réadaptation.

L'insuffisance du dispositif de prise en charge des victimes de viol en Finlande

En Finlande, il n'existe aucun système national ou financé par l'État pour aider les victimes de violence sexuelle. Dans les situations les plus graves, les victimes de viol peuvent par exemple être prises en charge dans un centre de santé, mais le niveau de compétence du personnel médical en matière de violence sexuelle varie beaucoup selon les centres. À l'initiative individuelle de quelques gynécologues, un hôpital du pays a mis en place un programme spécial pour les victimes de viol. Par ailleurs, plusieurs organisations non gouvernementales offrent une aide et un soutien limités aux victimes de violence sexuelle. Le gouvernement finlandais ne respecte manifestement pas son obligation internationale d'offrir des services de réadaptation aux victimes de violence sexuelle, ce qui s'inscrit dans sa tendance générale à considérer la violence liée au genre comme une affaire « privée ». C'est la principale différence entre la situation en Finlande et la situation dans les autres pays nordiques.

Le manque de services de réadaptation sur le long terme en Suède

En Suède, les victimes de viol sont généralement prises en charge par les services de consultations gynécologiques des hôpitaux publics. Il n'existe à l'heure actuelle que très peu de centres spécialisés dans l'accueil des victimes d'agressions sexuelles. Alors que, dans le discours officiel en Suède, la violence liée au genre est clairement considérée comme une question d'intérêt public, il est difficile de comprendre pourquoi il n'existe à l'heure actuelle aucun système public proposant des centres spécialisés pour les victimes de viol et d'autres atteintes sexuelles. L'explication pourrait résider, entre autres, dans le fait que l'aide aux victimes de violence sexuelle est généralement fournie par des organisations à but non lucratif, notamment dans le cadre des centres d'accueil pour femmes.

Un programme national sur les soins aux victimes de violence sexuelle a été élaboré et est actuellement en train d'être mis en œuvre. Il vise à garantir l'utilisation de procédures juridiquement fiables pour les prélèvements et le recueil d'informations, mais il ne traite pas de la nécessité d'une réadaptation sur le long terme, notamment d'un soutien psychologique.

L'ASSISTANCE JURIDIQUE POUR LES VICTIMES DE VIOLENCE SEXUELLE

Dans les années 1980, les pays nordiques ont été les premiers à proposer une assistance juridique gratuite aux victimes de violence sexuelle, qui peuvent bénéficier des services d'un avocat pendant l'enquête policière et le procès. Cette mesure a constitué une étape importante dans la valorisation de la place de la victime dans la procédure judiciaire et la restauration de sa dignité pendant l'enquête et le procès. Cependant, les caractéristiques de cette assistance juridique varient selon les pays. Il faudrait, dans certains cas, renforcer la capacité de l'avocat à participer activement à la procédure judiciaire afin de donner plus de place à la victime et de mieux protéger ses intérêts.

En Finlande, les victimes de crimes impliquant de graves violences ou de crimes sexuels peuvent bénéficier d'une assistance juridique gratuite sans conditions de ressources.Cependant, le personnel médical, les policiers et les avocats privés n'informent pas suffisamment les victimes de viol de cette possibilité.


6. LA VOLONTÉ POLITIQUE

La gestion politique de la question du viol dans les pays nordiques est le reflet de la tendance générale observée dans d'autres domaines : si des mesures ont été prises au Danemark, en Norvège et en Suède, l'action politique en Finlande reste à la traîne.

LES PLANS D'ACTION NATIONAUX

Dans l'idéal, un plan d'action national sur la violence contre les femmes prévoit les mécanismes et les moyens nécessaires pour que le gouvernement et la société civile travaillent en coopération et promeuvent la protection des femmes contre toutes les formes de violence. À l'heure actuelle, le Danemark, la Norvège et la Suède disposent d'un plan de ce type, mais pas la Finlande.

La Norvège a adopté son premier plan en 1999, le Danemark en 2002 et la Suède en 2007. Bien que la violence sexuelle soit une composante essentielle de la violence des hommes à l'égard des femmes dans le cadre des relations intimes, ainsi qu'un élément important de la violence liée au genre en général, les plans d'action de ces trois pays ont pour caractéristique commune de ne porter qu'une attention limitée à la violence sexuelle et au viol.

DES ENGAGEMENTS NON TENUS ?

En Finlande, les autorités ont toujours du mal à reconnaître que la violence liée au genre est un problème qui relève de la responsabilité de l'État. Le Plan d'action 2008-2011 pour l'égalité des genres adopté par le gouvernement finlandais compte sept domaines prioritaires, dont la violence contre les femmes. Dans ce Plan, le gouvernement s'engage à adopter un plan d'action spécifique sur la violence contre les femmes. Or, les travaux dans ce domaine n'ont commencé qu'en décembre 2009. Sans les moyens et les indicateurs nécessaires, l'engagement du gouvernement finlandais à prévenir la violence contre les femmes, y compris le viol et la violence sexuelle, va rester lettre morte.

En Norvège, le gouvernement a pris une mesure encourageante en nommant, en 2006, une commission publique composée d'acteurs politiques, de représentants des autorités sanitaires et de chercheurs, chargés de réfléchir aux moyens de prévenir et de combattre le viol. Début 2008, cette commission a présenté un livre blanc contenant un certain nombre de recommandations, dont des mesures de prévention et des améliorations des systèmes juridique et de santé. Malheureusement, ce livre blanc n'a toujours pas été suivi d'un plan d'action coordonné sur la violence sexuelle et le viol, et les mesures recommandées n'ont été que partiellement mises en œuvre.

Une des nombreuses actions menées par Amnesty International en Suède pour mettre un terme à la violence contre les femmes. Ici, les passants sont invités à signer et à apposer l'empreinte de leur main sur une banderole.

© Amnesty International

UNE VÉRITABLE VOLONTÉ POLITIQUE EST NÉCESSAIRE

L'engagement de la classe politique est indispensable. Les ministres, ainsi que les députés et les élus locaux, doivent s'exprimer sans détour à ce sujet et s'engager à réduire la violence liée au genre, notamment les viols et la violence sexuelle.

Une approche globale est nécessaire pour combattre efficacement cette violence. Des mesures coordonnées doivent être prises pour :
dénoncer et corriger les carences qui contribuent au processus d'abandon des poursuites, en vertu duquel un certain nombre d'affaires sont classées et les auteurs des faits jouissent d'une totale impunité ;
mettre en place toute une série de mesures préventives, notamment pour combattre les comportements stéréotypés à tous les niveaux de la société ;
offrir des services d'aide appropriés aux victimes de viol et d'autres formes de violence sexuelle.

Il faut contrôler et suivre l'application et l'efficacité des lois afin de s'assurer que les mesures prises sont pertinentes et suffisantes pour répondre aux objectifs, à savoir une meilleure protection contre la violence sexuelle et le renforcement, dans la pratique, de l'exercice du droit de chacun à l'intégrité et à l'autonomie sexuelles.

7. RECOMMANDATIONS AUX GOUVERNEMENTS DES PAYS NORDIQUES

Amnesty International appelle les gouvernements du Danemark, de Finlande, de Norvège et de Suède à prendre les mesures suivantes pour améliorer la protection contre le viol et les autres violences sexuelles et pour garantir que toutes les victimes d'infractions sexuelles obtiennent justice.

• L'organisation exhorte les gouvernements de tous les pays nordiques à adopter dans leur droit pénal une définition du viol qui protège le droit des femmes de jouir, dans la pratique, des principes internationaux relatifs aux droits humains que sont l'intégrité et l'autonomie sexuelles : le droit pénal doit définir le viol et les autres formes de violence sexuelle comme tout acte sexuel commis alors que la femme ou la fille concernée n'a pas donné librement – sans y avoir été contrainte d'aucune manière – son véritable consentement. Par ailleurs, il est nécessaire de réviser la législation actuelle des pays nordiques dans un certain nombre de domaines. Par exemple, il faut modifier les dispositions relatives aux victimes se trouvant dans l'incapacité de résister, notamment à la suite de l'absorption d'alcool ou de stupéfiants, supprimer le fait que le mariage soit une circonstance atténuante, revenir sur la nécessité pour la victime de porter plainte, et faire en sorte que tous les cas de viol fassent l'objet de poursuites à la diligence du ministère public.

• Amnesty International appelle les gouvernements des pays nordiques à prendre des mesures efficaces pour éliminer les préjugés liés au genre et les pratiques discriminatoires qui dissuadent les femmes de signaler les viols ou les autres violences sexuelles.

• Elle demande instamment à ces gouvernements de renforcer et de développer leur travail de prévention du viol et de la violence sexuelle dans la société en général. En vertu de l'article 5-a de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, les États ont l'obligation de prendre des mesures pour modifier les modèles de comportement socioculturel des hommes et des femmes et éliminer les préjugés et les pratiques coutumières ou autres fondés sur l'idée d'un rôle stéréotypé des hommes et des femmes. Les mesures de prévention doivent porter notamment sur l'éducation des enfants et des jeunes au respect mutuel dans les relations, ainsi que sur la promotion de l'égalité dans les messages publics, dans l'objectif de parvenir à une réelle égalité des genres dans tous les domaines de la vie.

• Amnesty International appelle les gouvernements des pays nordiques à veiller à ce que toutes les procédures judiciaires concernant des affaires de viol ou d'autres violences sexuelles soient impartiales et équitables, et ne soient pas influencées par des préjugés ou des idées stéréotypées sur la sexualité féminine et masculine. Dans cet objectif, il est nécessaire de prendre toute une série de mesures concrètes visant l'appareil judiciaire pour améliorer la qualité des enquêtes sur les viols et la gestion judiciaire des affaires de viol, ainsi que de promouvoir la formation et l'éducation afin d'éliminer les comportements discriminatoires à l'égard des femmes.

• L'organisation invite ces gouvernements à mettre en place un mécanisme de surveillance indépendant chargé d'analyser systématiquement toutes les affaires de viol qui sont classées avant le procès, et de donner ses conclusions sur les raisons qui ont poussé à clore le dossier. Les informations ainsi recueillies permettraient d'évaluer la qualité des enquêtes menées par la police dans les différents districts, et d'améliorer leur cohérence et leur uniformité.

• Amnesty International exhorte les gouvernements des pays nordiques à élaborer des plans d'action nationaux pour prévenir et combattre le viol et la violence sexuelle. Ceux-ci peuvent prendre la forme de plans spécifiques, ou être intégrés aux plans d'action nationaux sur la violence contre les femmes. Ils doivent tenir compte des besoins spécifiques des jeunes filles de moins de dix-huit ans en termes de prévention, de poursuites et de réparations pour les viols et les violences sexuelles.

1 Amnesty International, Case Closed – Rape and Human Rights in the Nordic Countries, 2008. Disponible sur : http://www2.amnesty.se/externt/aiglobal.nsf/%28sidor%29/E940A657CA9E7167C12574C5002E9495/$file/Case_Closed_2008.pdf
2 Dans chacun des quatre pays concernés par ce rapport, la loi précise à partir de quel âge une personne est considérée comme suffisamment mûre sur le plan psychologique et physique pour avoir le droit de choisir sa sexualité et ce qu'elle fait de son corps. Cet âge est de quinze ans en Suède et au Danemark, et de seize ans en Norvège et en Finlande. Cette limite d'âge a des implications juridiques. En Suède, par exemple, les rapports sexuels ou autres actes sexuels comparables avec un mineur de moins de quinze ans sont toujours considérés comme des viols. Ce rapport s'intéresse aux femmes et aux jeunes filles de plus de quinze ou seize ans.
3 Rapport de la rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, Mme Yakin Ertürk. Mission en Suède, A/HCR/4/34/Add. 3, février 2007.
4 Balvig et al., Voldtægter der anmeldes, 3e partie. Det Kriminalpræventive Råd, juin 2009.
5 Le nombre d'atteintes sexuelles, définies par le Code pénal finlandais comme pouvant comprendre un rapport sexuel forcé, a aussi fortement augmenté.
6 Dans les quatre pays, les statistiques sur la criminalité incluent les viols commis contre des hommes. Cependant, dans l'écrasante majorité des cas de viol signalés, la victime est une femme et l'agresseur un homme.
7 Viols de personnes âgées de quinze ans et plus. Les poursuites engagées une certaine année ne concernent pas uniquement les viols signalés cette même année, ni la totalité de ces viols. Un viol signalé en fin d'année, par exemple, peut n'apparaître dans les statistiques judiciaires que l'année suivante. En outre, certains viols signalés sont requalifiés ultérieurement, par exemple en rapport sexuel contraint, et ne figurent donc pas dans les statistiques des poursuites et des condamnations pour viol. Néanmoins, le taux de poursuites illustre bien le problème du classement des affaires. En ce qui concerne le nombre de personnes condamnées, il est important de noter qu'une même personne peut être poursuivie pour plusieurs viols.
8 Balvig & Kyvsgaard, International Violence Against Women Survey (IVAWS), 2006.
9 National study of rapes reported to the police (English summary), BRÅ Report 2005:7 et Våldtäkt mot personer 15 år och äldre - Utvecklingen under åren 1995–2006. Rapport nr 2008:13.
10 La loi dispose qu'un homme qui commet des actes répétés de harcèlement ou de violence contre une femme avec qui il a, ou il a eu, des relations intimes peut être reconnu coupable de grave atteinte à l'intégrité de cette femme. Ces actes comprennent les agressions, les brutalités, les violations de domicile et les rapports sexuels contraints. Cette disposition est principalement destinée à couvrir les infractions qui ne sont pas assez graves pour constituer, par exemple, une agression flagrante.
11 Cour européenne des droits de l'homme, requête n° 39272/98, arrêt du 4 décembre 2003.
12 Cour pénale internationale, Éléments des crimes, article 8-2-e-vi-1, PCNICC/2000/1/Add. 2 (2000).
13 Voir Amnesty International, Six points à vérifier pour que les femmes victimes de violences puissent obtenir justice (ACT 77/012/2009).
14 S 2341 (réponse du 10 juin 2009).
15 Question n° 666 (réponse du 15 mai 2009).
16 Straffelovrådets Kommisorium for en revision af straffelovens kapital 24, 20 novembre 2009 (révision du chapitre 24 du Code pénal sur les crimes de mœurs).
17 Reinboth, 2009. Cette enquête a été menée pour Channel Four TV News en Finlande. Reinboth et Channel Four Finlande ont demandé à tous les tribunaux de district de Finlande de leur donner des informations sur toutes les affaires d'infractions sexuelles jugées entre le 1er octobre 2007 et le 30 septembre 2008, soit au total 611 affaires concernant 671 accusés. Outre les infractions sexuelles en tant que telles (chapitre 20 du Code pénal finlandais), Reinboth a aussi demandé des informations sur les infractions étroitement liées aux infractions sexuelles, figurant dans le chapitre 17 du Code pénal (articles 18 à 22).
18 Opuz c. Turquie, requête n° 33401/02, arrêt du 9 juin 2009, § 138-139.
19 En novembre 2009, le ministre de la Justice a demandé à la commission permanente chargée des révisions du Code pénal de se pencher sur les dispositions relatives au viol et aux atteintes sexuelles. Il l'a chargée notamment d'examiner les dispositions sur les rapports sexuels non consentis avec une victime dans l'incapacité de résister, ainsi que le niveau des sanctions.
20 Reinboth, 2009, enquête pour Channel Four TV News en Finlande.
21 Représentant du parquet, Norvège, 01/2007.
22 Anita Guldberg, Er det virkelig sket? En undersøgelse af kvinders reaktioner på retspraksis after politianmeldelse, Center for Voldtægtsofre, København: Rigshospitalet, 2006.
23 Bjørndahl et Norli, 2008, p. 30.
24 Laudrup, Camilla et Helle Rahbæk, Var det voldtægt? – En undersøgelse af menneskerettigheder og voldtægt i Danmark, Center for Voldtægtsofre, København: Rigshospitalet, 2006.
25 Laudrup, Camilla et Helle Rahbæk, Var det voldtægt? – En undersøgelse af menneskerettigheder og voldtægt i Danmark, Center for Voldtægtsofre, København: Rigshospitalet, 2006.
26 Il est important de souligner que les menaces de violence ou d'autres formes de contrainte ne laissent pas toujours de traces sur le corps de la victime. L'absence de preuves matérielles ne signifie pas nécessairement qu'il n'y a pas eu viol.
http://www.amnesty.org/fr/library/asset/ACT77/001/2010/fr/21910b47-83d1-4489-b10b-a3d2a5097062/act770012010es.pdf
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