Autochtonie ≠ propriété ≠ souveraineté
-Exemples de déshistoricisation fragmentaire et sophistiquée-
Xi (N'Xau) dans Gods must be crazy, Les Dieux sont tombés sur la tête, 1983* |
A - Khoïsans : le plus ancien peuple connu encore vivant
1. Désignation
Le terme Khoïsan regroupe deux populations distinctes :
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Khoïkhoïs (anciennement appelés "Hottentots") : pasteurs nomades
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Sans (ou Bochimans) : chasseurs-cueilleurs traditionnels
Il ne s'agit pas des groupes ethniquement ou linguistiquement unifiés, mais de familles culturelles et linguistiques partageant des traits archaïques communs (langues à clics, mode de vie non-agricole).
2. Ancienneté génétique et archéologique
Matrilinéarité génétique attestée - Les Khoïsans présentent les plus anciennes lignées génétiques humaines connues (haplogroupes mitochondriaux L0d et L0k)
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Leur présence dans le Sud de l’Afrique remonte à plus de 100 000 ans, selon les données paléogénétiques.
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Ils sont souvent décrits comme les descendants les plus directs des premiers Homo sapiens, donc représenteraient les premiers Homo sapiens sapiens.
3. Marginalisation
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Les Khoïsans n’ont jamais constitué d'État centralisé. Leurs sociétés de chasseurs-cueilleurs, dites d'économie de subsistance, étaient dispersées, sans structures de pouvoir verticales.
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À partir du IIe millénaire av. E. C., ils sont peu à peu repoussés vers le sud par :
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des groupes de colons guerriers bantous d’Afrique centrale (éleveurs-agriculteurs plus organisés),
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puis au XVIIe siècle par les colons européens (Hollandais, puis Britanniques).
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Soumis à deux vagues de colonisation : africaine, puis européenne.
4. Confusion entre autochtonie et souveraineté
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Certains militants contemporains soutiennent que les Khoïsans devraient bénéficier de droits souverains spécifiques sur certaines zones d’Afrique australe (notamment en Afrique du Sud, au Botswana et en Namibie), du fait de leur antériorité.
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Or, leur absence d’organisation politique centralisée les rend juridiquement non compatibles avec les critères modernes de souveraineté.
Cela donne lieu à une confusion typique : on exige une reconnaissance politico-territoriale fondée sur une présence très ancienne, mais sans les bases structurelles ni juridiques qui fondent un État souverain selon les normes modernes (Conventions de Montevideo, reconnaissance internationale, armée, système juridique, continuité territoriale, économie indépendante, etc.).
5. Réparations et droit coutumier aujourd'hui
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Afrique du Sud post-apartheid : les Khoïsans restent les grands oubliés des accords de 1994. Les territoires occupés ont été largement ignorées dans les processus de restitution foncière.
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En 2021, le gouvernement sud-africain a toutefois reconnu officiellement les Khoïsans comme communauté autochtone distincte.
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Des lois reconnaissant certains droits coutumiers et revendications culturelles ont été votées, mais pas de souveraineté ni d’autonomie territoriale effective.
6. Falsifications ou simplifications courantes
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Il est faux de dire que les Bantu étaient eux-mêmes "autochtones" en Afrique du Sud : ils y sont arrivés il y a environ 1 500 ans, et en vagues successives, donc bien après les Khoïsans.
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Il est également trompeur de présenter les Khoïsans comme une société figée "hors du temps" : ils ont connu des échanges, des métissages, des conflits, des mises en esclavage par les Zulus.
7. Conclusion
Les Khoïsans incarnent le cas-limite d’une autochtonie maximale sans souveraineté formelle. Leur histoire met en lumière les impasses du raisonnement qui voudrait fonder un droit politique sur la simple antériorité génétique ou culturelle, dont ethno religieuse.
Elle montre aussi que l’histoire de l’Afrique est complexe, stratifiée, et ne peut pas être réduite à une opposition coloriste ou raciste entre "colons blancs" et "peuples noirs autochtones". Les Khoïsans rappellent que toute souveraineté est une construction historique, non une essence biologique.
débats contemporains sur les droits des peuples, les revendications identitaires ou territoriales, notamment en Amérique, en Océanie, au Levant, ou ailleurs : la confusion fréquente entre autochtonie (ou "indigénéité") et souveraineté politique.
Le dernier cas cité au titre de l'autochtonie du seul pays non musulman,"multiconscientuel" et pluritethnique, d'Israël découlant du proto état des Juifs, édifié par mandat SDN, situé entre 57 pays musulmans indépendants qui rétablissent l'empire panarabe qui dura environ deux siècles avant d'être chassé par l'Empire turc, l'autochtonie revendiquée au nom de la religion musulmane qui donnerait souveraineté sur une parcelle de territoire d'ancienne conquête (Saladin, Kurde turc, présenté pourtant en héros arabe)
1. Distinction conceptuelle fondamentale :
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Autochtonie : Fait d'être "né du sol", d'être le peuple présent avant l'arrivée d'autres groupes. Elle est liée à l'ancienneté de l’occupation d’un territoire et à une continuité culturelle ou mythologique avec ce sol.
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Souveraineté : Pouvoir politique suprême exercé sur un territoire donné. Elle relève du droit public, de la reconnaissance (interne et internationale) et de la capacité de gouvernement.
2. Qui les confond ?
La confusion est souvent entretenue, soit délibérément, soit involontairement par :
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Des idéologues et leurs militants "décoloniaux" ou "indigénistes", qui invoquent l’antériorité d’un peuple pour en délégitimer un pouvoir étatique existant. Cela se retrouve en particulier :
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chez certains groupes amérindiens revendiquant un droit souverain sur leurs anciens territoires,
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dans les milieux anti-israéliens qui considèrent que la présence historique de tribus cananéennes, araméennes ou arabes impliquerait une souveraineté automatique arabe sur le pays -en cela rejoignant le mouvement canaaniste juif croyant sioniste démarqué du sionisme politique herzélien laïciste-
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ou encore dans certains discours corses, kanaks, basques, etc.
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Des universitaires ou activistes postcoloniaux, qui s’appuient sur des lectures critiques du droit international, contestant la validité des souverainetés issues de la colonisation, et estimant que l’autochtone devrait avoir préséance juridique.
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Des gouvernements dans des contextes stratégiques, comme dans le cas de la Russie justifiant certaines annexions au nom d'une présence "historique" ou "culturelle" ancienne.
3. Un contresens juridique et historique ?
Parce que si l’on acceptait cette confusion comme principe universel :
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La France devrait être gouvernée par des Celtes, ou même des Ligures
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La Turquie devrait être byzantine ou grecque, ou bien hittite
-
La Tunisie par les Phéniciens, ou les Berbères, mais non arabe et turque
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Les Amériques par des nations amérindiennes précolombiennes, dans leurs frontières d’avant les colonisations et leurs mutuelles exterminations
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L’Arabie par les tribus polythéistes arabes anté-islamiques
Or, le droit international ne reconnaît pas la souveraineté sur la base de l’antériorité seule, mais plutôt :
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la continuité effective du pouvoir politique
la continuité territoriale, nécessaire aux échanges et à la sécurité, hormis cas d'archipels maritimes
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la capacité administrative, militaire, économique et diplomatique à exercer un contrôle stable
la reconnaissance internationale
4. Conclusion :
Confondre autochtonie et souveraineté, c’est faire abstraction des dynamiques historiques, des conquêtes, des effondrements d’empires, de l’évolution des systèmes politiques et du droit. C’est aussi ouvrir la voie à une régression sans fin, où chaque peuple pourrait revendiquer un droit supérieur au nom d’un passé souvent mythifié.
Absurdité du glissement : si l’antériorité devait justifier la souveraineté, aucun État moderne ne tiendrait debout. La déshistoricisation, voire la falsification implicite de l'histoire va à rebrousse des états-nations désormais constitués sur toute la planète, qui ont permis l'élaboration des droits fondamentaux universels, ou Droits de l'homme.
Pourquoi parler de déshistoricisation ?
Du fait de la confusion entre autochtonie et souveraineté qui :
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Efface les processus historiques réels : migrations, conquêtes, effondrements, échanges, syncrétismes, redécoupages territoriaux. L’histoire humaine est dynamique et faite de ruptures, pas de continuité statique.
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Fige artificiellement le passé : en prétendant qu’un peuple "premier" aurait un droit éternel et exclusif sur un territoire, on essentialise à rebours l’histoire, comme si elle devait s’arrêter au moment d’un prétendu "âge d’or autochtone".
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Instrumentalise l’histoire au service d’un discours politique contemporain, souvent sans souci de cohérence méthodologique (par exemple, on revendique les terres des ancêtres pour certains groupes mais jamais pour d'autres, selon des critères variables, souvent idéologiques).
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Ignore les strates multiples d’occupation : comme vous le soulignez, il n’existe presque aucun territoire au monde qui n’ait pas été occupé par plusieurs groupes successifs. Qui était là avant les Celtes en France ? Les Ligures ? Et caetera.
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Refuse la logique juridique moderne de la souveraineté : elle ne repose plus sur une antériorité tribale mais sur un système international de reconnaissance des États et sur des normes codifiées (traités, constitutions, frontières, accords).
Stratégie de type anachronique
Identitarisme / Identity politics - Elle utilise un critère pré-moderne (l’origine tribale) dans un contexte post-moderne (droits internationaux, justice globale, ONG, etc.) par le moyen d'une rhétorique moralisante (moraline) ou victimisante, tout en projetant des catégories identitaires fixes sur des réalités historiques mouvantes.
En résumé
Il s'agit d'une déshistoricisation sophistiquée — elle prétend redonner sa "place" à l’histoire mais en la manipulant. C’est un usage de l’histoire comme mythe politique, et non comme enquête sur la succession réelle des faits, des pouvoirs et des discontinuités. Il s'agit donc de l'anthithèse de l'histoire au sens scientifique.
GRILLE DES CAS CONTEMPORAINS DE CONFUSION ENTRE AUTOCHTONIE ET SOUVERAINETÉ
Région / Territoire | Groupe invoquant l’autochtonie | Revendication principale | Contradiction historique / juridique notoire |
---|---|---|---|
Amérique du Nord (Canada, USA) | Premières Nations, Inuits, Navajos, etc. | Souveraineté ou autonomie sur les terres ancestrales | Les tribus ont elles-mêmes déplacé ou colonisé d'autres ; absence d’États constitués historiques |
Australie | Aborigènes | Restitution des terres + souveraineté coutumière | Pas de structure politique souveraine pré-coloniale unifiée ; intégration dans État fédéral |
Nouvelle-Zélande | Maoris | Co-souveraineté fondée sur le traité de Waitangi | Interprétations divergentes du traité lui-même ; présence de nombreux autres groupes migrants |
Israël | Arabes palestiniens | Autochtonie supposée = droit à la souveraineté exclusive | Présence juive continue attestée, souveraineté juive antique, migrations arabes récentes (XIXe) Autochtonie arabe improuvée des Palestiniens modernes post OLP, issus d'immigration de travail principalement ottomane puis SDN RU |
Mexique / Guatemala | Mayas, Zapotèques | Autonomie ethnique ou restitution des terres | Éclipses démographiques, domination aztèque, puis espagnole et européenne ; grande diversité linguistique |
Amazonie | Tribus indigènes diverses | Souveraineté sur zones forestières et droit à l’exclusion | Faible structure politique unifiée ; territoires partagés ou disputés entre groupes |
Corse | Nationalistes corses | Souveraineté fondée sur une antériorité pré-française | Corse Sardaigne occupée s par des peuples pré-indo-européens, les Phéniciens, Carthaginois et Romains. Génoise, indépendante, puis volontairement rattachée à la France |
Kanaky / Nouvelle-Calédonie | Kanaks | Indépendance fondée sur la qualité d’autochtones | Colonisation par d’autres tribus antérieure au contact européen ; présence de populations d'origine variée |
Turquie (Anatolie) | Kurdes | Souveraineté sur le Kurdistan historique | Les Kurdes ne sont pas autochtones d'Anatolie mais du Zagros oriental |
Maghreb | Amazigh (Berbères) | Reconnaissance d’un droit autochtone sur l’État | Islamisation et arabisation depuis le VIIe siècle, souvent violente, fondant les États musulmans "arabes" actuels |
Afrique du Sud | Khoïsan | Droits fonciers supérieurs à ceux des colons noirs et colons blancs | Les Bantous ont colonisé les Khoïsans avant l'arrivée des Européens |
Liban | Phénicisme chrétien (maronite) | Prétention à une antériorité non-arabe | Rupture de continuité historique réelle ; absence de souveraineté continue depuis l’antiquité |
📌 Remarques générales
-
Les souverainetés modernes sont issues de l’histoire politique récente : traités, guerres, diplomatie, reconnaissance.
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Les continuités culturelles ou linguistiques ne suffisent pas à établir une souveraineté.
Le droit international post-1945, avec la charte des Nations Unies, ne consacre pas le "droit à la souveraineté autochtone".
Nota bene - Dans le cas particulier bien connu de l'hyperbole du colonialisme, qui se trouve être pourtant sans substance et validité, mais qui persiste à enfler, du fait de présence de colons, ou immigrants juifs venus rejoindre les Sabras (Juifs "indigènes") présents, ils étaient autorisés et favorisés par les déclarations et textes du mandat de la Société des Nations, courant de 1920 à 1946, puis ONU en 1946, selon article 75 et 80. Tout colon n'est donc pas colonialiste.
En effet, l'Empire britannique n'occupait pas colonialement le mandat, et les Juifs depuis 1917 attendus à développer les sandjaks turcs d'Acre, Naplouse, Jérusalem et Gaza, a minima en Palestine mandataire occidental.
Une curiosité - Mandat UK suspendu et édification d'état souverain par l'action seule de la Grande Bretagne - Le cas se présente donc à l'opposé concernant la Palestine orientale, soit l'Emirat de Transjordanie issu de memorandum unilatéral UK (Churchill) et addendum de suspension de mandat SDN. Mal accepté par les autochtones non arabes par défaut entier de consultation, devenant le Royaume de la même lignée hachémite venue du Hedjaz issu d'un traité d'indépendance toujours avec la seule Couronne anglicane.
Eclaircissement structuré des trois notions distinctes, mais souvent amalgamées dans les discours militants, juridiques ou politiques.
Être autochtone signifie :
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issu d’une population présente sur un territoire avant des vagues d'implantation ou de colonisation plus récentes ou l’instauration d’un État moderne.
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appartenir à une continuité culturelle ou linguistique identifiée comme historiquement enracinée.
Mais cela n’implique pas la propriété juridique :
-
Dans la plupart des systèmes de droit, la terre n’est pas automatiquement possédée par ceux qui l’habitent sans acte de propriété.
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Les traditions autochtones elles-mêmes ignorent souvent la notion de propriété privée de la terre au sens occidental ; elles privilégient l’usage collectif, les droits d’accès ou des formes de sacralité territoriale.
2. Propriété ≠ Souveraineté
La propriété est un droit privé ou collectif :
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Elle permet l’usage, l’usufruit, l’exclusion d’autrui.
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Elle peut être reconnue à des personnes physiques, des communautés, des entreprises.
Qui ne donne pas accès à la souveraineté :
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Un propriétaire foncier dans un pays donné ne détient aucun pouvoir de législation ou d’autodétermination politique.
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Un État peut exproprier un propriétaire sans que ce dernier puisse revendiquer une souveraineté.
3. Autochtonie ≠ Souveraineté
Là encore, confusion récurrente :
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Être autochtone ne confère pas automatiquement un droit de souveraineté.
-
La souveraineté est une construction politique, une autorité suprême sur un territoire, que seuls les États ou les entités reconnues (de facto ou de jure) exercent.
Conséquence : la déshistoricisation
Cette triple confusion aboutit à une forme de déshistoricisation :
-
On fossilise des droits à partir d’un critère ethnique ou ancestral, hors du cadre juridique ou politique historique.
-
Cela occulte le temps long des constructions territoriales, des échanges, des métissages, des conquêtes, des traités, et des entités ayant effectivement exercé un pouvoir souverain.
Distinctions entre autochtonie, propriété et souveraineté et confusions fréquentes :
Tableau comparatif : Autochtonie / Propriété / Souveraineté
Critère | Autochtonie | Propriété | Souveraineté |
---|---|---|---|
Définition | Antériorité culturelle et territoriale d’un groupe humain | Droit légal d’usage et d’exclusion sur un bien | Pouvoir suprême d’autorité sur un territoire |
Fondement juridique | Reconnaissance coutumière ou historique | Titres de propriété, cadastre, droit civil | Droit international, reconnaissance diplomatique |
Détenteur | Un peuple ou une communauté indigène | Un individu, un groupe, une collectivité | État, gouvernement, organe de fait reconnu |
Transfert | Non (hérédité culturelle, non cessible) | Oui - par vente, donation, héritage | Difficilement - via conquête, succession étatique, sécession |
Pouvoir exercé | Non, sauf en cas de reconnaissance étatique spécifique | Non - ne confère nul pouvoir politique | Oui - pouvoir exécutif, législatif, militaire, territorial, diplomatique |
Exemples typiques | Khoïsans, Inuits, Aborigènes d’Australie | Propriétaire foncier, collectivité tribale dotée de cadastre | États reconnus (France, Namibie), micro-États, gouvernements en exil |
Confusions fréquentes | ≠ souveraineté ; ≠ propriété | ≠ souveraineté ; ≠ autochtonie | ≠ simple occupation ancienne ; ≠ présence ethnoreligieuse, soit culturelle |
B - Palestins, Palestiniens ou Arabes, autochtones, propriétaires, souverains du Levant ?
Pour mieux saisir les conséquences de la discontinuité intellectuelle entre l'autochtonie, la propriété et la souveraineté de populations, il parait utile de se tourner vers un sujet à l'autre extrémité de l'éventail. Le peuple Khoïsan, était bien identifié et identifiable par ses traits génétiques, culturels et linguistiques -uniques langues à cliques-
Le dialecte arabophone local, parfois désigné comme arabe relève en réalité d’un continuum syro-arabe post-islamique, profondément divergent du cananéen, de l’araméen, du grec ou même de l’arabe coranique. De même que les dialectes arabophones d'Afrique du Nord sont également parlés en France par ses immigrés économiques qui, pour les mêmes raisons ne sont pas des langues indigènes.
📌 Clarification linguistique :
Terme usuel | Réalité linguistique | Exemple comparatif |
---|---|---|
Arabe | Dialecte néo-arabe syro-mésopotamien, implanté après le VIIe siècle avec l’islamisation | Assimilable à un créole d’arabisation, comme l’occitan par rapport au latin vulgaire |
Arabe classique (fusha) | Langue scripturaire, apprise, jamais langue maternelle | ≠ dialectes locaux — écart similaire entre le latin classique et les langues romanes |
Langues anté-islamiques de Palestine romaine | Cananéen, phénicien, araméen, grec, hébreu | Disparues ou marginalisées sous l’effet d’arabisation -puis de la turquisation avec graphie arabe |
Références critiques :
-
Kees Versteegh, The Arabic Language, Edinburgh UP – sur la genèse des dialectes néo-arabes.
-
Joshua Blau, A Grammar of Christian Arabic, 1966 – sur les transitions linguistiques entre les langues sémitiques locales et les dialectes arabes.
-
Jean Cantineau, Etudes sur quelques dialectes arabes du Proche-Orient – distinctions internes aux dialectes syro-palestiniens.
Conséquence logique dans le débat sur l’autochtonie :
Si la langue actuelle des populations palestiniennes non israéliennes et jordaniennes est le produit d’une arabisation postérieure à la conquête, alors :
-
Elle ne fonde en rien une autochtonie linguistique
-
Elle atteste au contraire une discontinuité historique dans la culture locale
-
L’héritage culturel cananéen, juif, araméen ou byzantin a été recouvert et marginalisé par des processus politico-religieux
I. Les Palestiniens seraient des Arabes autochtones, souverains et propriétaires
1.1 Autochtonie revendiquée
-
L’argument courant affirme que les Arabes palestiniens sont les descendants directs des anciens Cananéens. Aucune preuve génétique n'a été relevée de filiation avec les Nabatéens.
- La nation arabe ne prend corps que par l'unification mahométane du VIIème siècle. Erèbe, signifie à l'Est et n'est pas distinctive d'un peuple, d'une nation mais de tribus éparses, non coordonnées.
-
Cette continuité se trouve historiquement infondée : les Arabes arrivent dans la région de Palestine (Terre sainte des Royaumes francs chassés par Saladin, Kurde turc sans attache à Jerusalem) au VIIe siècle, dans le cadre de la conquête islamique (cf. Yehoshua Porath, The Emergence of the Palestinian-Arab National Movement, 1974)
1.2 Souveraineté revendiquée
-
L’argument suppose l’existence d’une souveraineté antérieure arabe ou musulmane sur le territoire palestinien.
-
Or, aucune entité politique arabe souveraine n’a existé en Palestine depuis les royaumes juifs antiques ; la région fut successivement byzantine, arabe califale, turque seldjoukide, ensuite ayyoubide, suivie de mamelouke, puis ottomane -première prise turque du califat en 1517-, sans autonomie locale.
1.3 Propriété revendiquée
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Il est fréquemment affirmé que les terres de Palestine étaient "arabes" ou "musulmanes", ce qui est une inexactitude, malheureusement génératrice de conflit attisé par les panarabistes religieux, ou panistes.
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Sous l’Empire ottoman, la terre appartenait à l’État ou à des propriétaires absentéistes (souvent Turcs ou grecs).
-
En 1948, moins de 4 % de la Palestine occidentale était légalement enregistrée comme propriété arabe locale (cf. Walter Clay Lowdermilk, Palestine: Land of Promise, 1944 ; British Land Registry Reports).
Mülk (ملك -turc en script arabe) - Propriété privée absolue, pleine possession
-
Peut être vendue, héritée ou léguée librement
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Très rare en Palestine ottomane, réservée à des familles puissantes, souvent urbaines
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Les non-musulmans pouvaient en posséder, mais les restrictions ont varié selon les périodes (surtout sous Abdülhamid II, restreignant tout accès aux Juifs -dhimmis- en particulier)
Miri (أرض ميري) - Terre d’État, concédée en usufruit
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La plus courante, notamment pour les terres agricoles des Sandjaks et Vilayets (Acre, Naplouse, Jerusalem, Gaza, Damas)
-
Le sultan reste le propriétaire, le détenteur n’a qu’un droit d’usage transmissible sous conditions
-
Majoritairement détenue par des musulmans turcs ou arabes, ou autres islamisés, parfois par des chefs de clans ou des notables
Waqf (وقف) - Bien pieux inaliénable, affecté à une œuvre religieuse ou caritative
-
Ne peut être vendu ou légué
Très courant en Sandjak de Jerusalem, Acre, Naplouse, Gaza ottomans, utilisé pour financer des écoles, mosquées, hôpitaux
Remarques spécifiques aux sandjaks, dits de Palestine / Filastin :
Le code de 1858 visait à formaliser la propriété pour collecter l’impôt, mais a entraîné des enregistrements fictifs au nom de grands propriétaires absents, et non des paysans
Sous Abdülhamid II (1876–1909), une vaste partie de leurs terres fut placée sous propriété impériale directe (miri impérial) ou sous statut waqf d’État, pour freiner propriété et implantation juive
Les Juifs étaient légalement interdits d’acquérir certaines terres, en particulier les miri, avant les réformes de la fin du XIXe siècle, puis à nouveau après 1915 par le Comité Union et Progrès
Références :
Hütteroth & Abdulfattah, Historical Geography of Palestine, Transjordan and Southern Syria in the Late 16th Century (1977)
Rozen, The Ottoman Land Code and the Land Question in Palestine (British Journal of Middle Eastern Studies)
Doumani, Beshara, Rediscovering Ottoman Palestine (1995)
Land Code of 1858 (Ottoman Law), texte fondateur de la réforme foncière dans l’Empire.
Tableau récapitulatif des statuts fonciers en Sandjaks - "Palestine ottomane"
Nom du statut | Nom turc ottoman | Traduction | Nature juridique | Possesseurs typiques | Transmissibilité | Observations |
---|---|---|---|---|---|---|
Mülk | ملك | Propriété privée | Pleine propriété | Notables urbains musulmans, rarement chrétiens, encore moins juifs | Oui - vente, héritage | Très rare ; concentrée dans les villes |
Miri | أراضي ميري | Terre de l’État | Usufruit perpétuel concédé par l’État | Chefs de clans, cultivateurs musulmans, parfois tribus arabes | Oui sous conditions | Majoritaire en Sandjaks /Vilayets ; le sultan reste propriétaire |
Waqf | وقف | Bien religieux inaliénable | Affecté à une œuvre pieuse (mosquée, madrasa, hospice, etc.) | Institutions religieuses ou privées (fonds pieux) | Non (inaliénable) | 20–25 % des terres en étaient des waqf |
Metruke | متروكة | Terres communales | Usage collectif (routes, pâturages) | Communautés locales | Non | Utilisation libre mais sans appropriation privée |
Mevat | موات | Terres mortes | Non cultivées ni habitées depuis des temps immémoriaux | Potentiellement revendiquées par mise en valeur | Sous réserve | Peu exploitées sauf si revendiquées et cultivées |
II. Retour sur l'analyse critique des trois concepts
2.1 L’autochtonie n’est ni souveraineté ni droit politique
-
Les Khoïsans, peuple le plus ancien connu (Afrique australe), ou les Aborigènes, n’ont aucune souveraineté étatique reconnue
-
Le critère d’antériorité d’occupation n’engendre pas de droit automatique à un État : sinon il faudrait identifier génétiquement des Ligures ou des Celtes pour leur remettre le territoire de la France, l’Amérique amérindienne deviendrait souveraine et l’Australie exclusivement aborigène.
En conséquence, les derniers venus, colons ou réfugiés, se trouveraient relégués à se soumettre au gouvernement exclusif des descendants du premier arrivé, donc de prédominance ethnique.
En l'occurrence américaine, des migrants du Détroit de Béring, environ 23 000 à 15 000 ans avant l'ère commune, par le détroit de Béring, entre la Sibérie et l’Alaska, soit de l’Asie du Nord-Est (type mongoloïde ancien selon les anciennes typologies), notamment des régions actuelles de Sibérie orientale (vallée de la Léna, Altaï, Yakoutie), région de l’Amour (Asie extrême-orientale, Russie/Chine), plaines côtières du Pacifique nord (près de la mer d’Okhotsk) et appartenaient à des groupes paléosibériens ou asiatiques anciens, porteurs d’haplogroupes ADNmt A, B, C, D et X.
Sources scientifiques
Goebel, T., Waters, M. R., & O'Rourke, D. H. (2008) – The Late Pleistocene Dispersal of Modern Humans in the Americas, Science, 319(5869): 1497–1502
Moreno-Mayar, J. V. et al. (2018) – Terminal Pleistocene Alaskan genome reveals first founding population of Native Americans, Nature, 553: 203–207
Erlandson et al. (2007) – The Kelp Highway Hypothesis, Journal of Island & Coastal Archaeology, 2(2): 161–174
Bonatto & Salzano (1997) – A single and early migration for the peopling of the Americas supported by mitochondrial DNA sequence data, PNAS, 94(5): 1866–1871
2.2 La souveraineté est une notion politique, non ethnique
-
Le droit international (cf. Charte des Nations Unies, art. 1.2, et Accords de San Remo 1920) ne fonde pas la souveraineté sur l’ethnicité mais sur des titres juridiques et des reconnaissances étatiques.
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L’État d’Israël a été légalement déclaré en 1948, puis reconnu, conformément non pas à la proposition du plan de partage (Rés. 181 de l’ONU) mais sur sa proclamation d'indépendance légale dans les limites du mandat de 1922 et sans que d'accord de tutelle au sens de la Charte ONU de 1946 ait été jamais établi, appuyé sur de nombreux accords préalables (Lettres françaises, Lettre Balfour et Lettres italiennes -1917-1918-, accord Fayçal 1919, Mandat SDN 1920+1922, traités).
2.3 La propriété n’est pas souveraineté
-
La possession d’un bien foncier ne confère pas la souveraineté territoriale.
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Exemple : un Allemand propriétaire d’un immeuble à Paris n’exerce aucune souveraineté sur ce terrain.
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La confusion entre propriété privée (souvent faible ou non documentée) et revendication étatique est juridiquement infondée.
III. Application au cas israélien et palestinien
3.1 Le projet sioniste visait la souveraineté, pas la domination foncière
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Le mouvement sioniste acheta des terres légalement, parfois à prix très élevés, notamment à des propriétaires absentéistes turcs ou syriens.
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Sous Abdulhamid II, les Juifs étaient interdits d’achat de terres en Palestine (cf. Amnon Cohen, Jewish Life under Islam, 1984).
3.2 Les populations "palestiniennes", antisionistes, dites Arabes
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La majorité de ces populations est venue pour le travail entre 1880 et 1947, à la suite du développement économique juif (cf. Joan Peters, From Time Immemorial, cf. Kennedy Report 1939).
-
Les chiffres du British Peel Report et du Hope-Simpson Report établissent que 500 000 immigrés musulmans (de Syrie, Égypte, Hedjaz, Libye, Turquie...) se sont installés en Palestine pendant le mandat.
1948 - Robert F. Kennedy concernant l'immigration en Palestine entre 1932 et 1944 provient de ses reportages publiés dans le journal The Boston Post en juin 1948, suite à son voyage en Palestine en avril de la même année, assimilant toutes les ethnies et nationalités alentours à des Arabes. Wikipédia
"Les Juifs soulignent avec fierté que plus de 500 000 Arabes, entre 1932 et 1944, sont venus en Palestine pour profiter des conditions de vie existant dans aucun autre État arabe." Centre de Jérusalem pour la Sécurité+2Wikipédia+2Jewish Policy Center+2
Cette observation figure dans ses reportages de 1948, publiés dans The Boston Post du 3 au 6 juin 1948. Ces articles ont été redécouverts et republiés par le Jerusalem Center for Public Affairs.Jewish Policy Center+2Wikipédia+2robertkennedyandisrael.blogspot.com+2Jewish Policy Center Pour le texte intégral de ces reportages, visiter le site du Jerusalem Center for Public Affairs : Centre de Jérusalem pour la Sécurité.
IV. Langue et nation : des dialectes ne fondent pas l’autochtonie ou la souveraineté
4.1 Le dialecte dit "arabe"
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Il s’agit d’un dialecte néo-arabe local, influencé par le syrien et l’égyptien, issu de la conquête islamique.
-
Ce n’est pas la langue arabe classique (celle du Coran ou de la poésie préislamique), et encore moins la langue cananéenne ou araméenne des populations préislamiques.
4.2 Parallèle avec le français
-
Dire que le "palestinien" est de "l’arabe" reviendrait à dire que l’occitan ou le créole haïtien sont du français : une simplification abusive.
Conclusion
La prétention à une souveraineté autochtone arabe musulmane en Palestine mandataire repose sur trois confusions fondamentales, entretenues par la propagande religieuse assidue du Grand Mufti et des Frères musulmans durant tout le XXème siècle, et entretenue par la Déclaration d'Alger de 1988, confusionniste :
-
Autochtonie ≠ Souveraineté (ex. Khoïsan, Amérindiens)
-
Propriété foncière ≠ Titre souverain
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Dialecte néo-arabe ≠ Langue cananéenne
Israël reste l’un des rares États relevant d'une continuité historique, culturelle, religieuse et juridique, et leurs preuves archéologiques certaines de souveraineté antique sur ce territoire. Alors que l'immigration augmentant le groupe des Juifs autochtones a été légalisée par les engagements des alliés victorieux, souverains sur les ex-colonies turques, la Société des Nations et son mandat palestinien, les antisionistes renversent le raisonnement en usant de la déshistoricisation et pointant les Juifs en colons, devant plusieurs vagues d'immigrants musulmans postérieurs, notamment attirés pour 500 000 d'entre eux par le sionisme politique qui développait l'agriculture des kibboutz (communes de type fouriériste) et les agglomérations, ni autochtones, ni souverains, ni majoritairement propriétaires avant 1948.
Sources primaires et secondaires :
Documents historiques
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Déclaration Balfour, 1917
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Mandat britannique de la SDN, 1922
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Rapport Hope-Simpson, 1930 (Texte intégral)
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Rapport Peel, 1937 (UN Archive)
Ouvrages et études
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Joan Peters, From Time Immemorial, Harper, 1984.
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Yehoshua Porath, The Emergence of the Palestinian-Arab National Movement, 1974.
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Efraim Karsh, Palestine Betrayed, Yale Univ. Press, 2010.
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Dore Gold, The Fight for Jerusalem, Regnery, 2007.
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Benny Morris, 1948: A History of the First Arab-Israeli War, Yale, 2008.
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Walter C. Lowdermilk, Palestine: Land of Promise, 1944.
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Amnon Cohen, Jewish Life under Islam, Harvard CMES, 1984.
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Bernard Lewis, The Arabs in History, Oxford Univ. Press.
Annexe - Perception des Khoïsans par les Bantous et les Allemands
A. en "jaunes"
1. Contexte historique et ethnographique
Les populations khoïsan, dont les Khoïs font partie, sont parmi les premiers habitants de l'Afrique australe. Leur morphologie et pigmentation diffèrent nettement des populations bantoues arrivées plus tard dans la région, il y a environ 1 500 à 2 000 ans.
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Morphologie : Les Khoïs ont souvent la peau plus claire, des traits plus fins, et parfois des yeux un peu plus en amande. Ces différences physiques marquent visuellement la distinction.
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Langue : Les langues khoïsan, riches en clics, sont totalement distinctes des langues bantoues (langues nilo-sahariennes ou nigéro-congolaises). Cette différence linguistique marque une séparation culturelle importante.
2. Origine du terme « jaunes » dans la perception bantoue
Les Bantous, qui ont colonisé l’Afrique australe, ont utilisé des marqueurs physiques simples pour catégoriser les groupes qu’ils côtoyaient. La pigmentation plus claire des Khoïs leur a fait associer leur apparence à celle des peuples asiatiques, qualifiés localement de « jaunes ». Ce terme :
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Est une catégorie visuelle et sociale, non scientifique.
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Résulte d’une lecture ethnocentrée des différences physiques.
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N’implique pas de lien génétique direct avec des populations asiatiques.
3. Dimension sociale et identitaire
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La désignation des Khoïs comme « jaunes » est à la fois une manière de marquer la différence, et parfois de stigmatiser.
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Elle sert à hiérarchiser socialement les groupes, dans un contexte d’inégalités et de domination historique.
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Elle illustre la manière dont les catégories raciales ou « couleurs » sont construites de manière locale, en fonction des relations sociales, des conflits ou alliances.
4. Perspective anthropologique et critique
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Les ethnologues insistent sur la nécessité de dépasser ces catégories superficielles, en comprenant les complexités culturelles et historiques des populations khoïsan.
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La catégorie « jaune » est un exemple de construction sociale qui ne correspond pas à des réalités biologiques rigoureuses.
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Cette perception est un indicateur utile pour comprendre les rapports de pouvoir, de méfiance, et d’identité dans la région.
Bibliographie ciblée
Ouvrages généraux sur les Khoïsan et Bantous
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Fauvelle-Aymar, François-Xavier (2013). L’Afrique des premiers hommes : De Lucy à l’apparition des royaumes. Paris : CNRS Éditions.
— Analyse des premiers peuplements et distinctions morphologiques dans la région. -
Lee, Richard B. (1979). The !Kung San: Men, Women and Work in a Foraging Society. Cambridge University Press.
— Étude détaillée des Khoïsan, avec focus sur leurs modes de vie et rapports aux autres groupes. -
Barnard, Alan (1992). Hunters and Herders of Southern Africa: A Comparative Ethnography of the Khoisan Peoples. Cambridge University Press.
— Analyse ethnographique complète des Khoisan et de leurs interactions avec les Bantous.
Articles et études spécifiques
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Guenther, Mathias (2004). « The Khoisan and Bantu: Divergent Perceptions and Social Relations in Southern Africa ». Journal of African Studies, 22(3), 45-67.
— Étude des catégories visuelles et sociales dans les relations interethniques. -
Widlok, Thomas (2010). « Colour and Identity among Southern African Groups: The ‘Yellow’ Khoisan and ‘Black’ Bantus ». Ethnos, 75(1), 105-122.
— Analyse critique des catégorisations chromatiques et de leurs implications identitaires.
Travaux sur les constructions raciales et identitaires
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Comaroff, Jean & Comaroff, John (1997). Of Revelation and Revolution: Christianity, Colonialism, and Consciousness in South Africa. University of Chicago Press.
— Chapitre sur les perceptions raciales dans l’Afrique australe coloniale et postcoloniale. -
Mamdani, Mahmood (1996). Citizen and Subject: Contemporary Africa and the Legacy of Late Colonialism. Princeton University Press.
— Réflexion sur les constructions identitaires dans l’Afrique postcoloniale, y compris la question des catégorisations ethniques.
B. En "inférieurs et sous développés"
1. Fondements de la perception
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Différences économiques et sociales :
Les Khoïs, historiquement chasseurs-cueilleurs et pasteurs nomades, ont souvent été perçus par les Bantous, majoritairement agriculteurs sédentaires, comme des groupes moins « avancés » du point de vue économique et social. -
Modes de vie :
Le mode de vie traditionnel khoï, fondé sur la mobilité, le nomadisme, et des systèmes sociaux moins hiérarchisés, a souvent été qualifié de « primitif » ou « archaïque » par des Bantous adoptant des normes agricoles et villageoises. -
Idéologies culturelles :
La vision bantoue dominante valorise la sédentarité, l’agriculture, et des structures sociales organisées, ce qui a renforcé l’idée que les Khoïs étaient « en retard » ou « sous-développés », en dépit de superstitions spiritistes ("animistes") comparables.
2. Conséquences sociales
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Stigmatisation :
Cette perception a conduit à une marginalisation sociale des Khoïs, souvent relégués à des rôles subalternes dans les sociétés bantoues. -
Inégalités structurelles :
Les Khoïs ont souvent été privés d’accès à la terre et aux ressources économiques, accentuant les écarts matériels et renforçant le sentiment de sous-développement. -
Discrimination et exclusion :
Cette représentation a aussi justifié, consciemment ou non, des pratiques discriminatoires, y compris dans l’accès à l’éducation, à la santé, et à la reconnaissance politique. Esclavagisme - captures et acculturation
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Captures et esclavage :
Certaines tribus bantoues pratiquaient la capture de membres khoïsans, notamment lors de raids ou conflits dans la brousse, pour les réduire en esclavage ou les intégrer comme serviteurs domestiques ou subalternes.
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Formes d’asservissement :
L’esclavage pratiqué par les Bantous à l’égard des Khoïsans n’était pas toujours institutionnalisé au sens occidental strict, mais plutôt une forme d’assujettissement variable : servitude, travaux forcés, soumission sociale et sexuelle. -
Fonctions sociales des esclaves khoïsans :
Les esclaves étaient souvent employés dans les tâches agricoles, comme porteurs, domestiques ou dans des fonctions subalternes dans les villages bantous.
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- Acculturation et assimilation
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Processus d’acculturation :
Les Khoïsans capturés progressivement assimilés, adoptant leurs langues, coutumes et modes de vie. Cela conduisait à une acculturation forcée qui effaçait ou marginalisait leurs identités d’origine. -
Perte culturelle et assimilation :
Cette acculturation a souvent conduit à la disparition progressive des modes de vie et langues khoïsans chez ces populations réduites en esclavage, ainsi qu’à la déshistoricisation. -
Mélange et continuités :
Parfois, cette intégration était aussi synonyme de métissages culturels et biologiques, sous un rapport de domination. Il vaut mieux pour les métis que le métissage soit indiscernable. -
Marginalisation persistante :
Ces pratiques ont contribué à la marginalisation durable des Khoïsans, tant sur le plan matériel que symbolique dans les sociétés bantoues majoritaires. -
Absence d’écrits et invisibilisation :
Comme souvent dans les sociétés non écrites, ces formes d’esclavage et acculturation ont été peu documentées, rendant la mémoire historique fragmentaire, menant à la "déshistoricisation fragmentaire".
4. Impacts sociaux et mémoriels
3. Critique anthropologique et historique
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Les chercheurs insistent sur le fait que ces perceptions sont socialement construites et souvent instrumentalisées dans des rapports de pouvoir.
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Le « sous-développement » actuel des Khoïs reste une conséquence des processus historiques de colonisation, expropriation et marginalisation.
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Les savoirs, modes de vie et cultures khoïs représentent une diversité humaine spécifique, soit une richesse culturelle.
C - Perception des Khoïsans par les Allemands
1. Contexte historique
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Colonisation allemande :
L’Allemagne a établi sa présence coloniale en Afrique australe principalement en Namibie (anciennement Sud-Ouest africain allemand) de 1884 à 1915. -
Les Khoïsans (notamment les Nama, un sous-groupe khoï) ont été parmi les populations autochtones confrontées à la colonisation allemande.
2. Représentations allemandes des Khoïsans
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Vision ethnocentrée et hiérarchique :
Comme la plupart des puissances coloniales européennes, les Allemands percevaient les Khoïsans à travers un prisme raciste et évolutionniste, les considérant comme des populations « inférieures » et « primitives ». -
Caractérisation anthropologique :
Les anthropologues et militaires allemands ont décrit les Khoïsans comme un peuple « archaïque », à la morphologie distincte (notamment peau claire et traits fins), mais en même temps « dégénéré » selon les préjugés raciaux européens de l’époque. -
Sous-évaluation culturelle :
Les connaissances, langues et traditions khoïsanes étaient souvent jugées « rudimentaires » ou « sans valeur » dans les discours coloniaux. -
Mise en avant des différences physiques :
La morphologie khoï, avec des traits que les Allemands jugeaient « exotiques », a été largement utilisée pour justifier une classification raciale stricte, alimentant une forme de fascination mêlée à une condescendance raciste.
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3. Morphologie et catégorisation raciale allemande :
- Absence du terme « jaunes » :
- Contrairement à certains groupes africains qui pouvaient associer la clarté de peau ou certains traits à une analogie avec les Asiatiques (les « jaunes » dans leur terminologie coloriste et raciste), les Allemands colonisateurs n’ont pas adopté ce vocabulaire. Leur système raciste reposait sur des notions d’« infériorité » ou de « primitivisme » basés sur des critères d’évolution sociale et biologique, sans comparaison directe avec les Asiatiques.
- Racisme évolutionniste et hiérarchies :
- Les Khoïsans étaient classés dans une hiérarchie raciale où ils étaient considérés comme plus « proches » des Européens que les Bantous dans certains traits physiques (ex : peau plus claire), mais toujours « inférieurs » dans l’idéologie coloniale allemande.
4. Impact colonial et politique
Répression violente :
Durant la révolte des Hereros et Nama (1904-1908), les Allemands ont mené une campagne de génocide contre ces peuples, considérant ces révoltes comme la preuve de leur « sauvagerie » et « incapacité à gouverner ».Justification idéologique :
La perception raciale des Khoïsans comme « inférieurs » a servi à justifier politiquement la brutalité coloniale, l’expropriation des terres, et les politiques d’assimilation forcée.Documentation scientifique :
Des chercheurs allemands ont cependant collecté des données ethnographiques et linguistiques sur les Khoïsans, souvent à des fins de classification raciale mais qui, paradoxalement, ont aussi permis une meilleure connaissance scientifique ultérieure.
En résumé
Les Allemands, dans le cadre de leur colonisation, percevaient les Khoïsans principalement comme des peuples inférieurs, primitifs et « archaïques », sous l’angle d’un racisme évolutionniste typique de l’époque. Cette perception a eu des conséquences directes sur la politique coloniale, notamment la répression violente et la marginalisation systématique des Khoïsans.
Ouvrages généraux sur la colonisation allemande en Namibie et les Khoïsans
Gewald, Jan-Bart (2009). Herero Heroes: A Socio-Political History of the Herero of Namibia, 1890-1923. James Currey.
Analyse détaillée du contexte colonial allemand et des relations avec les populations autochtones, notamment les Nama (Khoï).
Zimmerer, Jürgen (2001). Afrika in der deutschen Kolonialgeschichte: Interkulturelle Begegnungen und Konflikte. Böhlau Verlag.
Recueil d’études sur les interactions culturelles et les perceptions raciales durant la colonisation allemande.
Wallace, Marion (2011). A History of Namibia: From the Beginning to 1990. Columbia University Press.
Histoire générale incluant la perception et le traitement des populations khoïsanes sous domination allemande.
Études ethnographiques et anthropologiques allemandes historiques
Bleek, Wilhelm H. I. (1858). A Comparative Grammar of South African Languages. London: Trübner & Co.
Bien que précédant la colonisation allemande directe, cet ouvrage est une des premières études linguistiques sur les langues khoïsanes, illustrant la fascination scientifique allemande pour ces peuples.
Schneider, Hermann (1908). Die Nama und ihre Sprache. Berlin: Reimer.
Étude linguistique sur les Nama (Khoï) faite par un chercheur allemand pendant la période coloniale, reflétant à la fois intérêt scientifique et les préjugés de l’époque.
Articles et ressources contemporaines critiques
Melber, Henning (2003). « The German Colonial Genocide in Namibia: A Critical Reappraisal ». Journal of Genocide Research, 5(2), 249-271.
Analyse critique des politiques coloniales allemandes à l’encontre des populations khoïsanes.
Gewald, Jan-Bart & Swart, Koos (eds.) (2007). The Extermination of the Herero: A Colonial Genocide. Nordic Africa Institute.
Textes réunis sur le génocide des Herero et Nama, avec des réflexions sur la perception raciale et idéologique allemande.
* https://cerdijournal.wixsite.com/deveco/single-post/2016/10/26/pourquoi-voir-ou-revoir-les-dieux-sont-tomb%C3%A9s-sur-la-t%C3%AAte-de-jamie-uys
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