28/05/17

Khoï et San

 Fiche synthétique

Autochtonie ≠ propriété ≠ souveraineté

-Exemples de déshistoricisation fragmentaire et sophistiquée-

Xi (N'Xau) dans Gods must be crazy, Les Dieux sont tombés sur la tête, 1983*

L'autochtonie du plus ancien peuple connu, et deux autres exemples, en question.

A - Khoïsans 

1. Désignation

Le terme Khoïsan regroupe deux populations distinctes :

  • Khoïkhoïs (anciennement appelés "Hottentots") : pasteurs nomades

  • Sans (ou Bochimans) : chasseurs-cueilleurs traditionnels

Il ne s'agit pas des groupes ethniquement ou linguistiquement unifiés, mais de familles culturelles et linguistiques partageant des traits archaïques communs (langues à clics, mode de vie non-agricole).

2. Ancienneté génétique et archéologique

  • Matrilinéarité génétique attestée - Les Khoïsans présentent les plus anciennes lignées génétiques humaines connues (haplogroupes mitochondriaux L0d et L0k) 

  • Leur présence dans le Sud de l’Afrique remonte à plus de 100 000 ans, selon les données paléogénétiques

  • Ils sont souvent décrits comme les descendants les plus directs des premiers Homo sapiens, donc représenteraient les premiers Homo sapiens sapiens

3. Marginalisation

  • Les Khoïsans n’ont jamais constitué d'État centralisé. Leurs sociétés de chasseurs-cueilleurs, dites d'économie de subsistance, étaient dispersées, sans structures de pouvoir verticales

  • À partir du IIe millénaire av. E. C., ils sont peu à peu repoussés vers le sud par :

    • des groupes de colons guerriers bantous d’Afrique centrale (éleveurs-agriculteurs plus organisés)

    • puis au XVIIe siècle par les colons européens (Hollandais, puis Britanniques)

Soumis à deux vagues de colonisation : africaine, puis européenne

4. Confusion entre autochtonie et souveraineté

  • Certains militants contemporains soutiennent que les Khoïsans devraient bénéficier de droits souverains spécifiques sur certaines zones d’Afrique australe (notamment en Afrique du Sud, au Botswana et en Namibie), du fait de leur antériorité

  • Or, leur absence d’organisation politique centralisée les rend juridiquement non compatibles avec les critères modernes de souveraineté

Cela donne lieu à une confusion typique : on exige une reconnaissance politico-territoriale fondée sur une présence très ancienne, mais sans les bases structurelles ni juridiques qui fondent un État souverain selon les normes modernes (Conventions de Montevideo, reconnaissance internationale, armée, système juridique, continuité territoriale, économie indépendante, etc.)

5. Réparations et droit coutumier aujourd'hui

  • Afrique du Sud post-apartheid : les Khoïsans restent les grands oubliés des accords de 1994. Les territoires occupés ont été largement ignorées dans les processus de restitution foncière

  • En 2021, le gouvernement sud-africain a toutefois reconnu officiellement les Khoïsans comme communauté autochtone distincte

  • Des lois reconnaissant certains droits coutumiers et revendications culturelles ont été votées, mais pas de souveraineté ni d’autonomie territoriale effective

6. Falsifications ou simplifications courantes

  • Les Bantu ne sont pas "autochtones" en Afrique du Sud : ils y sont arrivés il y a environ 1 500 ans, et en vagues successives

  • Il est également trompeur de présenter les Khoïsans comme une société figée "hors du temps" : ils ont connu des échanges, des métissages, des conflits, des mises en esclavage par les Bantus Zulus

7. Conclusion

Les Khoïsans incarnent le cas-limite d’une autochtonie maximale sans souveraineté formelle. Leur histoire met en lumière les impasses du raisonnement qui voudrait fonder un droit politique sur la simple antériorité génétique ou culturelle, dont ethno religieuse

Elle montre aussi que l’histoire de l’Afrique est complexe, stratifiée, et ne peut pas être réduite à une opposition coloriste ou raciste entre "colons blancs" et "peuples noirs autochtones". Les Khoïsans rappellent que la souveraineté est une construction historique, non une essence biologique

Concernant les débats contemporains sur les droits des peuples, les revendications identitaires ou territoriales, notamment en Amérique, en Océanie, au Levant, ou ailleurs : la confusion fréquente entre autochtonie (ou "indigénéité") et souveraineté politique

Le dernier cas cité au titre de l'autochtonie du seul pays non musulman,"multiconscientuel" et pluritethnique, d'Israël découlant du proto état des Juifs édifié par mandat SDN, situé au milieu de 57 nouveaux pays musulmans indépendants qui rétablissent l'empire islamique panarabe qui dura environ deux siècles avant d'être chassé par l'Empire turc, l'autochtonie revendiquée au nom de la religion musulmane qui donnerait souveraineté sur une parcelle de territoire d'ancienne conquête (Saladin, Kurde islamisé présenté en héros arabe)

1. Distinction conceptuelle fondamentale :

  • Autochtonie : Fait d'être "né du sol", d'être le peuple présent avant l'arrivée d'autres groupes. Elle est liée à l'ancienneté de l’occupation d’un territoire et à une continuité culturelle ou mythologique avec ce sol

  • Souveraineté : Pouvoir politique suprême exercé sur un territoire donné. Elle relève du droit public, de la reconnaissance (interne et internationale) et de la capacité de gouvernement

2. Qui les confond ?

La confusion est souvent entretenue, soit délibérément, soit involontairement par :

  • Des idéologues et leurs militants "décoloniaux" ou "indigénistes", qui invoquent l’antériorité d’un peuple pour en délégitimer un pouvoir étatique existant. Cela se retrouve en particulier :

    • chez certains groupes amérindiens revendiquant un droit souverain sur leurs anciens territoires,

    • dans les milieux anti-israéliens qui considèrent que la présence historique de tribus cananéennes, araméennes ou arabes impliquerait une souveraineté automatique arabe sur le pays -en cela rejoignant le mouvement canaaniste juif croyant sioniste démarqué du sionisme politique herzélien laïciste-

    • ou encore dans certains discours corses, kanaks, basques, etc.

  • Des universitaires ou activistes postcoloniaux, qui s’appuient sur des lectures critiques du droit international, contestant la validité des souverainetés issues de la colonisation, et estimant que l’autochtone devrait avoir préséance juridique

  • Des gouvernements dans des contextes stratégiques, comme dans le cas de la Russie justifiant certaines annexions au nom d'une présence "historique" ou "culturelle" ancienne

  • Cependant, à l'inverse dans le cas d'Israël, le post colonialisme prétend que l'autochtonie juive serait douteuse, ou au moins égale à la prévalence de l'autochtonie arabe au nom de Canaan.

3. Un contresens juridique et historique ?

Parce que si l’on acceptait cette confusion comme principe universel :

  • La France devrait être gouvernée par des Celtes, ou même des Ligures

  • La Turquie devrait être byzantine ou grecque, ou bien hittite

  • La Tunisie par les Phéniciens, ou les Berbères, mais non arabe et turque

  • Les Amériques par des nations amérindiennes précolombiennes, dans leurs frontières d’avant les colonisations et leurs mutuelles exterminations 

  • L’Arabie par les tribus polythéistes arabes anté-islamiques

Or, le droit international ne reconnaît pas la souveraineté sur la base de l’antériorité seule, mais plutôt :

  • la continuité effective du pouvoir politique

  • la continuité territoriale, nécessaire aux échanges et à la sécurité, hormis cas d'archipels maritimes

  • la capacité administrative, militaire, économique et diplomatique à exercer un contrôle stable

  • la reconnaissance internationale

4. Conclusion :

Confondre autochtonie et souveraineté, c’est faire abstraction des dynamiques historiques, des conquêtes, des effondrements d’empires, de l’évolution des systèmes politiques et du droit. C’est aussi ouvrir la voie à une régression sans fin, où chaque peuple pourrait revendiquer un droit supérieur au nom d’un passé souvent mythifié.

Absurdité du glissement : si l’antériorité devait justifier la souveraineté, aucun État moderne ne tiendrait debout. La déshistoricisation, voire la falsification implicite de l'histoire va à rebrousse des états-nations désormais constitués sur toute la planète, qui ont permis l'élaboration des droits fondamentaux universels, ou Droits de l'homme.

Pourquoi parler de déshistoricisation ?

Du fait de la confusion entre autochtonie et souveraineté qui :

  1. Efface les processus historiques réels : migrations, conquêtes, effondrements, échanges, syncrétismes, redécoupages territoriaux. L’histoire humaine est dynamique et faite de ruptures, pas de continuité statique.

  2. Fige artificiellement le passé : en prétendant qu’un peuple "premier" aurait un droit éternel et exclusif sur un territoire, on essentialise à rebours l’histoire, comme si elle devait s’arrêter au moment d’un prétendu "âge d’or autochtone".

  3. Instrumentalise l’histoire au service d’un discours politique contemporain, souvent sans souci de cohérence méthodologique (par exemple, on revendique les terres des ancêtres pour certains groupes mais jamais pour d'autres, selon des critères variables, souvent idéologiques).

  4. Ignore les strates multiples d’occupation : comme vous le soulignez, il n’existe presque aucun territoire au monde qui n’ait pas été occupé par plusieurs groupes successifs. Qui était là avant les Celtes en France ? Les Ligures ? Et caetera.

  5. Refuse la logique juridique moderne de la souveraineté : elle ne repose plus sur une antériorité tribale mais sur un système international de reconnaissance des États et sur des normes codifiées (traités, constitutions, frontières, accords).

Stratégie de type anachronique

Identitarisme / Identity politics - Elle utilise un critère pré-moderne (l’origine tribale) dans un contexte post-moderne (droits internationaux, justice globale, ONG, etc.) par le moyen d'une rhétorique moralisante (moraline) ou victimisante, tout en projetant des catégories identitaires fixes sur des réalités historiques mouvantes.

En résumé

Il s'agit d'une déshistoricisation sophistiquée — elle prétend redonner sa "place" à l’histoire mais en la manipulant. C’est un usage de l’histoire comme mythe politique, et non comme enquête sur la succession réelle des faits, des pouvoirs et des discontinuités. Il s'agit donc de l'anthithèse de l'histoire au sens scientifique.

GRILLE DES CAS CONTEMPORAINS DE CONFUSION ENTRE AUTOCHTONIE ET SOUVERAINETÉ

Région / TerritoireGroupe invoquant l’autochtonieRevendication principaleContradiction historique / juridique notoire
Amérique du Nord (Canada, USA)Premières Nations, Inuits, Navajos, etc.Souveraineté ou autonomie sur les terres ancestralesLes tribus ont elles-mêmes déplacé ou colonisé d'autres ; absence d’États constitués historiques
AustralieAborigènesRestitution des terres + souveraineté coutumièrePas de structure politique souveraine pré-coloniale unifiée ; intégration dans État fédéral
Nouvelle-ZélandeMaorisCo-souveraineté fondée sur le traité de WaitangiInterprétations divergentes du traité lui-même ; présence de nombreux autres groupes migrants
Israël Arabes palestiniensAutochtonie supposée = droit à la souveraineté exclusivePrésence juive continue attestée, souveraineté juive antique, migrations arabes récentes (XIXe)
Autochtonie arabe improuvée des Palestiniens modernes post OLP, issus d'immigration de travail principalement ottomane puis SDN RU
Mexique / GuatemalaMayas, ZapotèquesAutonomie ethnique ou restitution des terresÉclipses démographiques, domination aztèque, puis espagnole et européenne ; grande diversité linguistique
AmazonieTribus indigènes diversesSouveraineté sur zones forestières et droit à l’exclusionFaible structure politique unifiée ; territoires partagés ou disputés entre groupes
CorseNationalistes corsesSouveraineté fondée sur une antériorité pré-françaiseCorse Sardaigne occupée s par des peuples pré-indo-européens, les Phéniciens, Carthaginois et Romains. Génoise, indépendante, puis volontairement rattachée à la France
Kanaky / Nouvelle-CalédonieKanaksIndépendance fondée sur la qualité d’autochtonesColonisation par d’autres tribus antérieure au contact européen ; présence de populations d'origine variée
Turquie (Anatolie)KurdesSouveraineté sur le Kurdistan historiqueLes Kurdes ne sont pas autochtones d'Anatolie mais du Zagros oriental
MaghrebAmazigh (Berbères)Reconnaissance d’un droit autochtone sur l’ÉtatIslamisation et arabisation depuis le VIIe siècle, souvent violente, fondant les États musulmans "arabes" actuels
Afrique du SudKhoïsanDroits fonciers supérieurs à ceux des  colons noirs et colons blancsLes Bantous ont colonisé les Khoïsans avant l'arrivée des Européens
LibanPhénicisme chrétien (maronite)Prétention à une antériorité non-arabeRupture de continuité historique réelle ; absence de souveraineté continue depuis l’antiquité

Remarques générales

  • Les souverainetés modernes sont issues de l’histoire politique récente : traités, guerres, diplomatie, suivies de reconnaissance

  • Les continuités culturelles ou linguistiques ne suffisent pas à établir une souveraineté

  • Le droit international post-1945, avec la charte des Nations Unies, ne consacre pas le "droit à la souveraineté autochtone"

  • Nota bene - Concernant le cas particulier bien connu de l'hyperbole du colonialisme, celle-ci se trouve être sans substance et validité bien qu'elle persiste à enfler, du fait de présence de colons ou immigrants juifs venus rejoindre les Sabras (Juifs "indigènes"). Ils étaient autorisés et favorisés par les déclarations et textes du mandat de la Société des Nations, courant de 1920 à 1946, puis ONU en 1946, selon article 75 et 80. Tout colon n'est donc pas colonialiste.

En effet, l'Empire britannique n'occupait pas colonialement le mandat et les Britanniques ne l'ont pas peuplé, sauf en bridant l'immigration juive autorisée formellement et favorisant l'immigration musulmane sous alibi économique. Les Juifs, selon les vainqueurs sur les Turcs et le Reich étant depuis 1917 attendus à développer les sandjaks turcs d'Acre, Naplouse, Jérusalem et Gaza, vilayet de Damas, puis a minima en Palestine mandataire occidental.

  • Une curiosité - Mandat UK suspendu et édification d'état souverain par l'action seule de la Grande Bretagne - Le cas se présente donc à l'opposé concernant la Palestine orientale, soit l'Emirat de Transjordanie issu de memorandum unilatéral UK (Churchill) et addendum de suspension de mandat SDN. Mal accepté par les autochtones non arabes par défaut entier de consultation, devenant le Royaume de la même lignée hachémite venue du Hedjaz issu d'un traité d'indépendance toujours avec la seule Couronne anglicane.

Aparté Autochtonie arabe

Les chartes et déclarations palestinistes affirment que les Arabes sont plus autochtones et plus fondés, donc plus souverains que les Juifs, en se fondant sur une confusion

A - Le cas des Hedjazis - futurs Jordaniens

Arrivée à compter de la victoire des alliés de la Triple Entente de 14/18 sur le jihad turc et allemand.

Hussein ibn Ali – abdication et départ

Abdallah ibn al-Hussein – arrivée à Amman

Synthèse 

PersonneDéplacementDate
Hussein ibn AliQuitte Djeddah pour Aqaba puis ChypreOctobre–Décembre 1924 / 1925
Arrive à Amman pour rejoindre AbdallahNovembre 1930
Abdallah ibn al-HusseinDébarque à Ma‘an, puis rejoint Amman21 Novembre 1920 / 2 Mars 1921
Nommé émir de Transjordanie11 Avril 1921
La dynastie est toujours au pouvoir de monarchie religieuse à ce jour

Fayçal ibn Ali entre 1920 et 1925 - A l'inverse de la voie antisémite de l'Emirat de son clan
  • 1920 (juillet – octobre) : exilé après sa défaite à Damas, séjourne à Rome
  • 1921 (août) : nommé roi d’Irak par les Britanniques à la Conférence du Caire (mars 1921), installé formellement à Bagdad le 23 août 1921
  • 1921–1933 : vit et gouverne depuis Bagdad, capitale du royaume d’Irak sous mandat britannique
1. Soutien explicite de Fayçal à la coopération avec les sionistes (1918–1919)

Minorités bienvenues, au contraire de son père et frère en Emirat

Accord Fayçal–Weizmann (3 janvier 1919)

  • Signé à Londres entre Fayçal et Chaim Weizmann, président de l’Organisation sioniste mondiale

"Il organisa la rencontre entre Chaim Weizmann, président de l'Organisation sioniste, et le prince Fayçal, au cours de laquelle ce dernier renonça à son attachement aux terres situées à l'ouest du Jourdain. Il convainquit Churchill de modifier les accords Sykes-Picot afin d'exclure la Terre d'Israël. Et lors de la conférence du Caire de 1921, qui conclut enfin la mise en œuvre officielle de la déclaration Balfour, il exigea le maintien d'un territoire mandataire, comprenant un foyer national pour le peuple juif. Lawrence envisageait même que les Juifs jouent un rôle important au Moyen-Orient. Dans une interview accordée à un journal juif londonien local à l'occasion du premier anniversaire de la déclaration Balfour, il déclara : « Parlant en tant que non-Juif, je considère les Juifs comme les importateurs naturels du levain occidental, si nécessaire aux pays du Proche-Orient. »
Lawrence a également parlé de l’établissement d’un futur État juif : « …si un État juif doit être créé en Palestine, cela devra se faire par la force des armes et être maintenu par la force des armes au milieu d’une population extrêmement hostile. » Sur ce point, lui et Aaronson partageaient la même pensée, mais il est douteux qu’ils en aient jamais discuté ensemble.
Une fois que Lawrence lui-même comprit que les armes susmentionnées pouvaient être juives plutôt qu'anglaises, il adopta progressivement une approche plus pro-sioniste." https://blog.nli.org.il/en/hoi_lawrence_arabia_zion/
  • Il stipule :

    • Le soutien arabe à l’établissement d’un foyer national juif en Palestine

    • En échange, les sionistes reconnaissent les aspirations nationales arabes dans le reste du Croissant fertile (Syrie, Mésopotamie)

    • L'accord est conditionné à la réalisation complète des promesses faites aux Arabes par les Britanniques (notamment par la correspondance Hussein–McMahon, 1915–1916)

Texte intégral (en anglais) :
https://www.jewishvirtuallibrary.org/faisal-weizmann-agreement-1919

Image du document signé (British National Archives) :
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Faisal_Weizmann_agreement_1919.jpg

Muslih, Muhammad. The Origins of Palestinian Nationalism, Columbia University Press, 1988

1. Contexte : la communauté juive d’Irak

  • En 1920, les Juifs représentaient environ 3 à 4 % de la population (environ 80 000 à 90 000 personnes), principalement à Bagdad, Bassorah, Mossoul

  • Ils formaient une élite éduquée, présente dans les domaines du commerce, des finances, des professions juridiques et de la culture

  • Fayçal, cherchant à construire une nation moderne et unifiée, voyait les Juifs comme des citoyens arabes loyaux 

2. Juifs dans le gouvernement et l’administration de Fayçal Ier

Sasson Heskel (ساسون حسقيل)Ministre des Finances1921–1923
Député au Parlement1925–1928
  • Surnommé "le père des finances irakiennes"
  • Insista pour que les revenus pétroliers soient payés en or, refusant la livre sterling, ce qui sauva l’économie irakienne
  • Proche personnel de Fayçal Ier

Source biographique détaillée (en anglais) :
https://www.jewishvirtuallibrary.org/sassoon-heskel

Référence dans l’Encyclopaedia of Jews in the Islamic World :
https://referenceworks.brillonline.com/entries/ejw/heskel-sasson-SIM_000962

Autres :

  • Ezra Menahem Daniel : Sénateur (membre de la Chambre haute du Parlement), philanthrope, conseiller royal.

  • Saleh Daniel : Administrateur à la Banque d’Irak

  • Des dizaines de juifs juges, enseignants, ingénieurs, fonctionnaires au Trésor public, à la Justice et à l’Éducation

3. Position de Fayçal Ier vis-à-vis des Juifs

  • Dans une lettre à Félix Frankfurter (leader juif américain, 1919), Fayçal écrivait :

The Jews are most welcome... We Arabs, especially the educated among us, look with the deepest sympathy on the Zionist movement.” (Lettre du 3 mars 1919)

2. Les Britanniques anglicans l’écartent de la Palestine (1920–1921)

  • Après la défaite de Fayçal à Damas face aux Français en juillet 1920, les Britanniques choisissent de ne pas lui confier la Syrie ni la Palestine, bien qu’il ait l’appui de Lawrence et du mouvement sioniste. Ce dernier a organisé les premières rencontres avec Chaïm Weizmann

  • À la conférence du Caire (mars 1921), Churchill écarte Fayçal de la région syro-palestinienne et le nomme roi d’Irak, après avoir modifié le mandat SDN, l'Emirat hachémite antisémite effectif en 1924

  • La Palestine orientale de la Transjordanie est confiée à son frère Abdallah, opposé au sionisme

Minutes de la Conférence du Caire (1921) :
https://nla.gov.au/nla.obj-1595360386/view

  • Le corps de Fayçal a été rapatrié à Bagdad. Il repose dans un mausolée royal à Adhamiyah, dans le nord de la capitale irakienne

  • Fayçal Ier fut une figure clef du panarabisme, mais déçu par la faiblesse du soutien arabe à son projet unitaire

  • Il a essayé de construire un État irakien moderne, mais sa dépendance vis-à-vis des Britanniques et les tensions internes (Arabes/kurdes, sunnites/chiites, juifs/musulmans) ont obéré sa réussite

  • Il demeure une figure fondatrice, tant en Syrie qu'en Irak, et le dernier Hachémite à avoir tenté de réaliser un royaume arabe unifié non confessionnel

  • Prosioniste ou le moins antisémite des Hachémites hédjazis ?

  • Les Britanniques le déplacent vers l’Irak pour plusieurs raisons :

    • Contrer la France laïque, qui ne voulait pas d’un roi musulman panarabe à Damas (accords Sykes–Picot)
    • Empêcher un royaume arabe unifié autour d’un roi populaire et soutenu par les sionistes
    • Eviter d'autres accords Juifs / Arabes
    • Séparer la question sioniste de la question arabe, afin d'éviter un front commun entre sionistes et Arabes et musulmans modérés
Par ailleurs, la thèse anglicane du tous arabes (par la langue sauf les Juifs) au détriment de toutes minorités ethniques ou confessionnelles en toute contradiction avec le Pacte des Nations, notamment en Emirat transjordanien, vit également dans les rangs de l'impérialisme allemand, encore en 39/45 - De termes au calque des déclarations palestinistes arabistes, après qu'Al Husseini abandonnât de façade son utopie de Grande Syrie, y compris OLP encore en 1988 suivi d'Oslo en 1993 entérinant la confusion impérialiste (britannique, allemande, arabe) entretenue :
"Le 20 novembre, le ministre des Affaires étrangères von Ribbentrop lui déclara que la Palestine était "purement arabe" et le rencontra à deux reprises : avant de s'entretenir avec Hitler et le lendemain, où il reçut également Bose." https://www.tabletmag.com/sections/news/articles/amin-al-husseini-nazi-concentration-camp

Conclusion

  • Seul Hachémite ouvertement favorable au sionisme (accord écrit, déclaré et signé)

  • Écarté de la zone Palestine–Syrie par les Britanniques en 1921, malgré ses alliances

  • Relégué à l’Irak, où il règne sous étroite tutelle britannique

Sources
  1. Encyclopaedia Britannica – Fayṣal I
  2. The Hashemites in the Modern Arab World, in: The Middle East, Oxford University Press, 2020
  3. L.C.B. Seaman, Post-Victorian Britain 1902–1951, 1966
  4. Wikipedia (avec sources primaires) : 
Kingdom of Syria (1920)
Faisal I of Iraq

Fils : Ghazi Ier

  • Ghazi ibn Fayçal (1912–1939), son fils unique, devient roi d’Irak à l’âge de 21 ans

  • Il règne de 1933 à 1939, jusqu'à sa mort accidentelle (controversée elle aussi) dans un accident de voiture à Bagdad  Ghazi of Iraq – Wikipedia

Petit-fils : Fayçal II

  • Fayçal II, fils de Ghazi, devient roi en 1939 à l'âge de 3 ans, sous régence

  • Il règne officiellement de 1939 à 1958, assassinat au cours du coup d’État militaire de 1958, qui renversa la monarchie hachémite irakienne Faisal II of Iraq – Wikipedia

B - Arabes, en général

1. Les Arabes absents de la région avant le Ier millénaire avant l’ère commune

  • Les Cananéens, les Philistins, les Hébreux, les Araméens et les Phéniciens constituent les populations originelles du Levant

  • Les Arabes, au sens propre, ne pénètrent la région que progressivement à partir du VIIe siècle av. E.-C., puis en particulier au VIIe siècle de l’ère commune avec la conquête islamique

Réf. :

Robert G. Hoyland, Arabia and the Arabs, Routledge, 2001

Israel Finkelstein & Neil Asher Silberman, The Bible Unearthed, Free Press, 2001

2. La conquête arabe de 636 (bataille du Yarmouk), invasion sans nulle présence ancestrale

La Palestine (sous Empire byzantin, avec population chrétienne, juive, samaritaine et araméenne) a été conquise par les armées du calife Omar.

Ce  qui constitue une prise de contrôle extérieure sans émergence endogène
L'implantation des tribus arabes (Ghassanides, Lakhmides, puis Qurayshites et Omeyyades) s’effectue à partir de cette occupation militaire

Réf. :
Hugh Kennedy, The Great Arab Conquests, Da Capo, 2007
Moshe Gil, A History of Palestine, 634–1099, Cambridge University Press, 1992

3. Majorité des "Arabes palestiniens" actuels descendent d’immigrations postérieures, y compris non arabes

  • Dès l’époque ottomane, puis surtout sous le mandat britannique (1917-1948), la population arabe de Palestine a augmenté par migrations économiques venant d’Égypte, du Hedjaz, de Transjordanie, du Liban, etc
Justin McCarthy (historien démographe pro-palestinien) lui-même reconnaît dans ses travaux des flux migratoires continus à partir du 19e siècle.
Joan Peters, dans From Time Immemorial (1984), documente largement ces migrations. Bien que contestée sur certains chiffres, son travail est corroboré par des rapports britanniques et recensements ottomans
Réf. : British Government, Hope Simpson Report, 1930
Report of the British Peel Commission, 1937
Yeh
oshua Porath, The Emergence of the Palestinian-Arab National Movement, 1974

III. Comparaison national avec les Juifs

CritèreJuifsArabes
Présence attestée en PalestineDès le 2e millénaire av. è.c.Après le 7e s. de l’ère commune
Continuité culturelleOui (retour après exils)Fragmentaire (absence de conscience nationale avant le XXe siècle)
Mode d’arrivéeEndogène (tribus sémitiques locales)Exogène (conquête puis migration)
Récit fondateurLié au territoire (patriarches, exode, royaume d’Israël)Non lié à la Palestine avant l'islam
Auto-identificationIsraël, hébreux, Judée, sionisme antiqueArabisme puis "palestinisme" récent

IV. Conclusion 

Il est historiquement inexact de qualifier d'"autochtones" les "Arabes" de Palestine au sens strict. Leur implantation musulmane est le fruit :

  • d’une conquête islamique extérieure (VIIe siècle) puis turque musulmane

  • suivie de colonisations tribales

  • renforcée par des flux migratoires récents (Ottomans -dont balkaniques- et Mandat)

En revanche, les Juifs ont une antériorité attestée, une continuité culturelle et rituelle, et un lien territorial ininterrompu, y compris pendant leurs périodes de dispersion

V. Lectures et documents recommandés

  1. Moshe Gil, A History of Palestine, 634–1099, Cambridge, 1992
  2. Yehoshua Porath, The Emergence of the Palestinian-Arab National Movement 1918–1929, 1974
  3. Bernard Lewis, The Arabs in History, Oxford University Press, 2002
  4. Joan Peters, From Time Immemorial, Harper, 1984
  5. Joseph Hacker, Ottoman Policy and the Jewish Population in Palestine, in Zion, 1979
  6. Rapport Hope-Simpson (British Palestine Royal Commission), 1930 https://avalon.law.yale.edu/20th_century/br1930.asp
I. Étymologie et origine du mot "Arabe" (ʿarab / ʿurūb)

Le mot "ʿarab" n’apparaît pas avant le Ier millénaire avant l’ère commune dans les sources extérieures (assyro-babyloniennes), souvent orthographié "aribi", "arubu", "urbi", "arab" pour désigner des groupes nomades vivant à la lisière du désert (steppe syro-arabique), sans désigner un peuple en soi

  • Sources assyriennes (8e-7e s. av. è.c.) mentionnent "aribi" dans des listes de peuples tribaux payant tribut ou pratiquant le brigandage aux marges du croissant fertile Frayne, D. (1990). Old Babylonian Period, RIM 4.

  • Dans la Bible hébraïque, ‘erev (עֵרֶב) signifie "mélange", "obscurité", et parfois populations périphériques indistinctes — la racine hébraïque est distincte mais potentiellement confondue

  • En hébreu et ougaritique, les termes ‘arab / ʿaribi ne désignent pas un peuple précis, mais une zone de steppes et de semi-nomades
    Knauf, Ernst Axel (1988), Ismael, Israel und die Völker, BZAW

II. Confusion - Les Arabes descendent-ils des Araméens ou des Cananéens ?

Les confusions proviennent parfois de la proximité linguistique au sein de la famille sémitique et de certaines constructions idéologiques modernes.

I. ORIGINES

CritèreAraméensArabes
Origine géographiqueHautes plaines de Syrie (vallée de l’Euphrate, Khabour)Péninsule Arabique (Najd, Hedjaz, Yémen)
Mode de vie initialSédentaire et semi-nomadeNomade pastoral, caravanier
LangueAraméen (nord-ouest sémitique)Arabe ancien puis classique (sud-sémitique central)
Première mention historiqueVers 1100 AEC (inscriptions assyriennes)Vers 850 AEC (inscriptions assyriennes mentionnant les « Aribi »)
ReligionPolythéisme syro-mésopotamien, puis conversion au christianismePolythéisme arabe, puis islam au VIIe s. EC


II. DIFFÉRENCES LINGUISTIQUES

Araméen :

  • Langue nord-ouest sémitique, proche du phénicien et de l’hébreu

  • Langue véhiculaire du Proche-Orient à partir du Ier millénaire AEC (utilisée dans l’empire assyrien, néo-babylonien, achéménide, puis dans les Évangiles)

  • Écrits araméens : papyrus d'Éléphantine, manuscrits de Qumrân, Targums, etc

Kaufman, S.A. (1974), The Classification of the Semitic Languages, in JAOS

Arabe :

  • Langue sud-centre sémitique, plus proche de l’ancien sudarabique que de l’araméen

  • Apparition écrite tardive (nabatéen, safaitique, puis arabe classique au VIIe siècle EC)

  • Codifiée dans le Coran et sous les Omeyyades

Huehnergard, J., & Rubin, A.D. (2011). The Semitic Languages, Routledge

III. HISTOIRE ET DIFFUSION GÉOGRAPHIQUE

Araméens :

  • Ont constitué des royaumes comme Damas (Aram-Damascus), Bit-Adini, Zobah

  • Ont été assimilés par les empires assyrien et babylonien

  • Leur langue a survécu sous forme de syriaque et d’araméen moderne (encore parlé par des communautés chrétiennes et yézidies en Irak, Syrie, Turquie, Iran)

Arabes :

  • Tribaux jusqu’à la naissance de l’islam

  • Ne devinrent une nation puissante et politique unifiée qu’au VIIe siècle EC, après la prédication de Mahomet

  • N'arabisent qu'ensuite le Croissant fertile, y compris les anciens Araméens, via l’islamisation, la diffusion de l’arabe - des dialectes et gélectes arabophones se constituent (Levantin ou syriolibanais pour la région géographique palestinienne

IV. LA CONFUSION : D’ORIGINE IDÉOLOGIQUE OU POLITIQUE

Certains discours nationalistes arabes modernes, notamment baathistes et panarabes au XXe siècle ont cherché à englober les Araméens, Phéniciens, Assyriens et Cananéens dans une "grande identité arabe". Cela repose sur une confusion volontaire entre arabisé (linguistiquement) et arabe d’origine ethnique

Or, être arabisé (comme les Égyptiens, les Syriens ou les Maghrébins) ne signifie pas descendre des Arabes d’Arabie

Salibi, K. S. (1985). A House of Many Mansions: The History of Lebanon Reconsidered
Tuma, E. G., & Gran, P. (1977). The Economic and Social Origins of Islam

V. CONCLUSION

Il n’y a aucune preuve que les Araméens soient les ancêtres des Arabes. Les deux peuples :

  • racines distinctes

  • aires culturelles différentes

  • liens linguistiques distants par leur appartenance commune à la famille sémitique

La langue araméenne a été progressivement remplacée par l’arabe, mais cela est dû à une substitution linguistique postérieure à l’islamisation, non à une continuité ethnique

Références

  1. Huehnergard, John. “What Is Aramaic?”, in: Aramaic in Its Historical and Linguistic Setting, Wiesbaden, 2008

  2. Beyer, K. The Aramaic Language: Its Distribution and Subdivisions, Vandenhoeck & Ruprecht, 1986

  3. Macdonald, M.C.A., “Ancient North Arabian”, in The Semitic Languages, Routledge, 2011

  4. Young, Ian. Diversity in Pre-Exilic Hebrew, Eisenbrauns, 1993

Il n’existe aucune preuve archéologique, linguistique ou généalogique selon laquelle les tribus arabes, populations de la péninsule Arabique, descendraient des Cananéens (habitants sédentaires du Levant au 2e millénaire avant notre ère)

  • Les Cananéens étaient une population urbaine, sédentaire, parlant des langues nord-ouest sémitiques (proto-phénicien, proto-hébreu), implantée en Palestine, au Liban et en Syrie actuelle

  • Les Arabes sont originaires du centre-sud de la péninsule Arabique, avec une expansion vers le nord à partir du 1er millénaire av. è.c.
    Potts, D.T. (1990). The Arabian Gulf in Antiquity, Oxford

  • Les langues sud-sémitiques anciennes (sabéen, minéen, qatabanite, hadramoutien) sont très éloignées des langues cananéennes

Beeston, A.F.L. (1981). Languages of Pre-Islamic Arabia, Journal of Semitic Studies

III. Unité des Arabes avant le 7e siècle ?

Aucune unité politique ou ethnique des "Arabes" avant l’islam. Les sources byzantines et perses parlent de tribus désunies : Lakhmides (Irak), Ghassanides (Syrie), Kindah (Yémen), Quraysh (Hijaz), etc.

  • Seule la langue arabe classique, codifiée au 7e siècle sous les Omeyyades et Abbassides, a unifié les dialectes tribaux en une langue liturgique et impériale

  • Avant cela, chaque tribu avait son gélecte et ses coutumes religieuses et juridiques
    Hoyland, R. G. (2001). Arabia and the Arabs: From the Bronze Age to the Coming of Islam, Routledge

IV. Ce que dit le Coran 

Dans le Coran, les ʿArab sont considérés Bédouins 

sourate 9:97 : "Les Bédouins (al-aʿrāb) sont les plus endurcis dans l’incroyance et l’hypocrisie…" - ni élite ni population sédentaire ancienne. Cela renforce l’idée que les Arabes, à l’origine, étaient des tribus nomades périphériques, non des héritiers directs des Cananéens.

V. Résumé critique

CritèreCananéensArabes (pré-7e s.)
Mode de vieSédentaire, urbainNomade ou semi-nomade
LangueCananéen, phénicien, hébreuSud-sémitique, puis arabe
Région d'origineLevant (Canaan, Phénicie)Péninsule arabique
Première mention historiquevers -1800vers -850
Unité politiqueRoyaumes urbainsAucune avant l’islam

VI. Conclusion

La prétendue filiation directe entre Cananéens et Arabes relève d’une construction idéologique pan-sémitique ou pan-arabe moderne (notamment depuis les XIXe-XXe s.) sans fondement 

Le terme ʿarab désigne originellement des groupes mobiles, nomades, considérés extérieurs, voire barbares, par les sédentaires de Mésopotamie et du Levant. Aucun texte antique ne les fait descendre des Cananéens.

VII. Références clés

  1. Hoyland, R.G. Arabia and the Arabs, Routledge, 2001

  2. Knauf, E.A. Ismael, Israel und die Völker, BZAW, 1988

  3. Potts, D.T. The Arabian Gulf in Antiquity, Oxford University Press, 1990

  4. Beeston, A.F.L., Languages of Pre-Islamic Arabia, Journal of Semitic Studies, 1981

  5. G. Le Strange, Palestine Under the Moslems, 1890 — pour la perception arabe des peuples antéislamiques

  6. Graf, D. F., The Origin of the Nabataeans, in Aram, 1990

Eclairage structuré des trois notions distinctes, souvent amalgamées dans les discours militants, juridiques ou politiques


1. Autochtonie ≠ Propriété

Être autochtone signifie :

  • issu d’une population présente sur un territoire avant des vagues d'implantation ou de colonisation plus récentes ou l’instauration d’un État moderne.

  • appartenir à une continuité culturelle ou linguistique identifiée comme historiquement enracinée.

Mais cela n’implique pas la propriété juridique :

  • Dans la plupart des systèmes de droit, la terre n’est pas automatiquement possédée par ceux qui l’habitent sans acte de propriété.

  • Les traditions autochtones elles-mêmes ignorent souvent la notion de propriété privée de la terre au sens occidental ; elles privilégient l’usage collectif, les droits d’accès ou des formes de sacralité territoriale.

2. Propriété ≠ Souveraineté

La propriété est un droit privé ou collectif :Fayçal

  • Elle permet l’usage, l’usufruit, l’exclusion d’autrui.

  • Elle peut être reconnue à des personnes physiques, des communautés, des entreprises.

Qui ne donne pas accès à la souveraineté :

  • Un propriétaire foncier dans un pays donné ne détient aucun pouvoir de législation ou d’autodétermination politique.

  • Un État peut exproprier un propriétaire sans que ce dernier puisse revendiquer une souveraineté.

3. Autochtonie ≠ Souveraineté

Là encore, confusion récurrente :

  • Être autochtone ne confère pas automatiquement un droit de souveraineté.

  • La souveraineté est une construction politique, une autorité suprême sur un territoire, que seuls les États ou les entités reconnues (de facto ou de jure) exercent.

Conséquence : la déshistoricisation

Cette triple confusion aboutit à une forme de déshistoricisation :

  • On fossilise des droits à partir d’un critère ethnique ou ancestral, hors du cadre juridique ou politique historique

  • Cela occulte le temps long des constructions territoriales, des échanges, des métissages, des conquêtes, des traités, et des entités ayant effectivement exercé un pouvoir souverain

Distinctions entre autochtonie, propriété et souveraineté et fréquentes confusions

Tableau comparatif : Autochtonie / Propriété / Souveraineté

CritèreAutochtoniePropriétéSouveraineté
DéfinitionAntériorité culturelle et territoriale d’un groupe humainDroit légal d’usage et d’exclusion sur un bienPouvoir suprême d’autorité sur un territoire
Fondement juridiqueReconnaissance coutumière ou historiqueTitres de propriété, cadastre, droit civilDroit international, reconnaissance diplomatique
DétenteurUn peuple ou une communauté indigèneUn individu, un groupe, une collectivitéÉtat, gouvernement, organe de fait reconnu 
TransfertNon (hérédité culturelle, non cessible)Oui - par vente, donation, héritageDifficilement - via conquête, succession étatique, sécession
Pouvoir exercéNon, sauf en cas de reconnaissance étatique spécifiqueNon - ne confère nul pouvoir politiqueOui - pouvoir exécutif, législatif, militaire, territorial, diplomatique
Exemples typiquesKhoïsans, Inuits, Aborigènes d’AustraliePropriétaire foncier, collectivité tribale dotée de cadastreÉtats reconnus (France, Namibie), micro-États, gouvernements en exil
Confusions fréquentes≠ souveraineté ; ≠ propriété≠ souveraineté ; ≠ autochtonie≠ simple occupation ancienne ; ≠ présence ethnoreligieuse, soit culturelle

B - Palestins, Palestiniens ou Arabes, autochtones, propriétaires, souverains du Levant, parlent-il arabes ?

Les origines des Hachémites et plus généralement des Arabes ont été abordées sous plusieurs angles, et leur autochtonie, plus haut.

Pour mieux saisir les conséquences de la discontinuité intellectuelle entre l'autochtonie, la propriété et la souveraineté de populations, il parait utile de se tourner vers un sujet à l'autre extrémité de l'éventail. Le peuple Khoïsan, était bien identifié et identifiable par ses traits génétiques, culturels et linguistiques -uniques langues à cliques-

Le dialecte arabophone local
, parfois désigné comme arabe relève en réalité d’un continuum syro-arabe post-islamique, profondément divergent du cananéen, de l’araméen, du grec ou même de l’arabe coranique

De même que les dialectes arabophones d'Afrique du Nord également parlés en France par ses immigrés économiques qui, pour les mêmes raisons ne sont pas des langues indigènes.

Clarification linguistique :

Terme usuelRéalité linguistiqueExemple comparatif
Arabe Dialecte néo-arabe syro-mésopotamien, implanté après le VIIe siècle avec l’islamisationAssimilable à un créole d’arabisation, comme l’occitan par rapport au latin vulgaire
Arabe classique (fusha)Langue scripturaire, apprise, jamais langue maternelle≠ dialectes locaux — écart similaire entre le latin classique et les langues romanes
Langues anté-islamiques de Palestine romaineCananéen, phénicien, araméen, grec, hébreuDisparues ou marginalisées sous l’effet d’arabisation -puis de la turquisation avec graphie arabe

Dire que les Palestiniens antisionistes parlent "l’arabe" est donc aussi impropre que dire qu’un Gascon parle "le français" s’il parle l’occitan.

Références 

  1. Kees Versteegh, The Arabic Language, Edinburgh UP – sur la genèse des dialectes néo-arabes

  2. Joshua Blau, A Grammar of Christian Arabic, 1966 – sur les transitions linguistiques entre les langues sémitiques locales et les dialectes arabes

  3. Jean Cantineau, Etudes sur quelques dialectes arabes du Proche-Orient – distinctions internes aux dialectes syro-palestiniens 

Conséquence logique dans le débat sur l’autochtonie :

Si la langue actuelle des populations palestiniennes non israéliennes et jordaniennes est le produit d’une arabisation postérieure à la conquête, alors :

  • Elle ne fonde en rien une autochtonie linguistique

  • Elle atteste au contraire une discontinuité historique dans la culture locale

  • L’héritage culturel cananéen, juif, araméen ou byzantin a été recouvert et marginalisé par des processus politico-religieux

I. Les Palestiniens seraient des Arabes autochtones, souverains et propriétaires

1.1 Autochtonie revendiquée

  • L’argument courant affirme que les Arabes palestiniens sont les descendants directs des anciens Cananéens. Aucune preuve génétique n'a été relevée de filiation avec les Nabatéens, non plus

  • La nation arabe ne prend corps que par l'unification mahométane du VIIème siècle. Erèbe, signifie à l'Est et n'est pas distinctive d'un peuple, d'une nation mais de tribus éparses, non coordonnées
  • Cette continuité se trouve historiquement infondée : les Arabes arrivent dans la région de Palestine (Terre sainte des Royaumes francs chassés par Saladin, Kurde turc sans attache à Jerusalem) au VIIe siècle, dans le cadre de la conquête islamique

Yehoshua Porath, The Emergence of the Palestinian-Arab National Movement, 1974

1.2 Souveraineté revendiquée

  • L’argument suppose l’existence d’une souveraineté antérieure arabe ou musulmane sur le territoire palestinien.

  • Or, aucune entité politique arabe souveraine n’a existé en Palestine depuis les royaumes juifs antiques ; la région fut successivement byzantine, arabe califale, turque seldjoukide, ensuite ayyoubide, suivie de mamelouke, puis ottomane -première prise turque du califat en 1517-, sans autonomie locale.

1.3 Propriété revendiquée

  • Il est fréquemment affirmé que les terres de Palestine étaient "arabes" ou "musulmanes", ce qui est une inexactitude, malheureusement génératrice de conflit attisé par les panarabistes religieux, ou panistes.

  • Sous l’Empire ottoman, la terre appartenait à l’État ou à des propriétaires absentéistes (souvent Turcs ou grecs), et revient à l'Etat reprenant légalement de Droit international le territoire en 1948

  • En 1948, moins de 4 % de la Palestine occidentale était légalement enregistrée comme propriété arabe locale (cf. Walter Clay Lowdermilk, Palestine: Land of Promise, 1944 ; British Land Registry Reports)

Cadre juridico-foncier ottoman - n'est pas l'héritage obligé du nouvel Etat-nation

Mülk (ملك -turc en script arabe) - Propriété privée absolue, pleine possession

  • Peut être vendue, héritée ou léguée librement

  • Très rare en Palestine ottomane, réservée à des familles puissantes, souvent urbaines

  • Les non-musulmans pouvaient en posséder, mais les restrictions ont varié selon les périodes (surtout sous Abdülhamid II, restreignant tout accès aux Juifs -dhimmis- en particulier)

Miri (أرض ميري) Terre d’État, concédée en usufruit

  • La plus courante, notamment pour les terres agricoles des Sandjaks et Vilayets (Acre, Naplouse, Jerusalem, Gaza, Damas)

  • Le sultan reste le propriétaire, le détenteur n’a qu’un droit d’usage transmissible sous conditions

  • Majoritairement détenue par des musulmans turcs ou arabes, ou autres islamisés, parfois par des chefs de clans ou des notables

Waqf (وقف)Bien pieux inaliénable, affecté à une œuvre religieuse ou caritative

  • Ne peut être vendu ou légué

  • Très courant en Sandjak de Jerusalem, Acre, Naplouse, Gaza ottomans, utilisé pour financer des écoles, mosquées, hôpitaux

Remarques spécifiques aux sandjaks et vilayets, dits de Palestine / Filastin :

  • Le code de 1858 visait à formaliser la propriété pour collecter l’impôt, mais a entraîné des enregistrements fictifs au nom de grands propriétaires absents, et non des paysans

  • Sous Abdülhamid II (1876–1909), une vaste partie de leurs terres fut placée sous propriété impériale directe (miri impérial) ou sous statut waqf d’État, pour freiner propriété et implantation juive

  • Les Juifs étaient légalement interdits d’acquérir certaines terres, en particulier les miri, avant les réformes de la fin du XIXe siècle, puis à nouveau après 1915 par le Comité Union et Progrès

 Références :

  • Hütteroth & Abdulfattah, Historical Geography of Palestine, Transjordan and Southern Syria in the Late 16th Century (1977)

  • Rozen, The Ottoman Land Code and the Land Question in Palestine (British Journal of Middle Eastern Studies)

  • Doumani, Beshara, Rediscovering Ottoman Palestine (1995)

  • Land Code of 1858 (Ottoman Law), texte fondateur de la réforme foncière dans l’Empire.

Tableau récapitulatif des statuts fonciers en Sandjaks - "Palestine ottomane" 

-bien que le terme Palestine inusité en turc et n'étant pas une division ou un état spécifique en turc-
Nom du statutNom turc ottomanTraductionNature juridiquePossesseurs typiquesTransmissibilitéObservations
MülkملكPropriété privéePleine propriétéNotables urbains musulmans, rarement chrétiens, encore moins juifsOui - vente, héritageTrès rare ; concentrée dans les villes
Miriأراضي ميريTerre de l’ÉtatUsufruit perpétuel concédé par l’ÉtatChefs de clans, cultivateurs musulmans, parfois tribus arabesOui sous conditionsMajoritaire en Sandjaks /Vilayets ; le sultan reste propriétaire
WaqfوقفBien religieux inaliénableAffecté à une œuvre pieuse (mosquée, madrasa, hospice, etc.)Institutions religieuses ou privées (fonds pieux)Non (inaliénable)20–25 % des terres en étaient des waqf
MetrukeمتروكةTerres communalesUsage collectif (routes, pâturages)Communautés localesNonUtilisation libre mais sans appropriation privée
MevatمواتTerres mortesNon cultivées ni habitées depuis des temps immémoriauxPotentiellement revendiquées par mise en valeurSous réservePeu exploitées sauf si revendiquées et cultivées

II. Retour sur l'analyse critique des trois concepts

2.1 L’autochtonie n’est ni souveraineté ni droit politique

  • Les Khoïsans, peuple le plus ancien connu (Afrique australe), ou les Aborigènesn’ont aucune souveraineté étatique reconnue

  • Le critère d’antériorité d’occupation n’engendre pas de droit automatique à un État : sinon il faudrait identifier génétiquement des Ligures ou des Celtes pour leur remettre le territoire de la France, l’Amérique amérindienne deviendrait souveraine et l’Australie exclusivement aborigène.

  • En conséquence, les derniers venus, colons ou réfugiés, se trouveraient relégués à se soumettre au gouvernement exclusif des descendants du premier arrivé, donc de prédominance ethnique.

  • En l'occurrence américaine, des migrants du Détroit de Béring, environ 23 000 à 15 000 ans avant l'ère commune, par le détroit de Béring, entre la Sibérie et l’Alaska, soit de l’Asie du Nord-Est (type mongoloïde ancien selon les anciennes typologies), notamment des régions actuelles de Sibérie orientale (vallée de la Léna, Altaï, Yakoutie), région de l’Amour (Asie extrême-orientale, Russie/Chine), plaines côtières du Pacifique nord (près de la mer d’Okhotsk) et appartenaient à des groupes paléosibériens ou asiatiques anciens, porteurs d’haplogroupes ADNmt A, B, C, D et X. 

Sources

  1. Goebel, T., Waters, M. R., & O'Rourke, D. H. (2008)The Late Pleistocene Dispersal of Modern Humans in the Americas, Science, 319(5869): 1497–1502

  2. Moreno-Mayar, J. V. et al. (2018)Terminal Pleistocene Alaskan genome reveals first founding population of Native Americans, Nature, 553: 203–207

  3. Erlandson et al. (2007)The Kelp Highway Hypothesis, Journal of Island & Coastal Archaeology, 2(2): 161–174

  4. Bonatto & Salzano (1997)A single and early migration for the peopling of the Americas supported by mitochondrial DNA sequence data, PNAS, 94(5): 1866–1871

2.2 La souveraineté est une notion politique, non ethnique

  • Le droit international (cf. Charte des Nations Unies, art. 1.2, et Accords de San Remo 1920) ne fonde pas la souveraineté sur l’ethnicité mais sur des titres juridiques et des reconnaissances étatiques.

  • L’État d’Israël a été légalement déclaré en 1948, puis reconnu, conformément non pas à la proposition du plan de partage (Rés. 181 de l’ONU) mais sur sa proclamation d'indépendance légale dans les limites du mandat de 1922 et sans que d'accord de tutelle au sens de la Charte ONU de 1946 ait été jamais établi, appuyé sur de nombreux accords préalables (Lettres françaises, Lettre Balfour et Lettres italiennes -1917-1918-, accord Fayçal 1919, Mandat SDN 1920+1922, traités).

2.3 La propriété n’est pas souveraineté

  • La possession d’un bien foncier ne confère pas la souveraineté territoriale

  • Exemple : un Allemand propriétaire d’un immeuble à Paris n’exerce aucune souveraineté sur ce terrain

  • La confusion entre propriété privée (souvent faible ou non documentée) et revendication étatique est juridiquement infondée.

III. Application au cas israélien et palestinien

3.1 Le projet sioniste visait la souveraineté 

  • Le mouvement sioniste acheta des terres légalement, parfois à prix très élevés, notamment à des propriétaires absentéistes turcs ou syriens

  • Sous Abdulhamid II, les Juifs étaient interdits d’achat de terres en Palestine (cf. Amnon Cohen, Jewish Life under Islam, 1984)

3.2 Les populations "palestiniennes", antisionistes, dites Arabes

  • La majorité de ces populations est venue pour le travail entre 1880 et 1947, à la suite du développement économique juif 

Joan Peters, From Time Immemorial, cf. Kennedy Report 1939
  • Les chiffres du British Peel Report et du Hope-Simpson Report établissent que 500 000 immigrés musulmans (de Syrie, Égypte, Hedjaz, Libye, Turquie...) se sont installés en Palestine pendant le mandat, augmentant d'autant les constantes immigrations turques, y compris des Balkans

  • 1948 - Robert F. Kennedy concernant l'immigration en Palestine entre 1932 et 1944 provient de ses reportages publiés dans le journal The Boston Post en juin 1948, suite à son voyage en Palestine en avril de la même année, assimilant toutes les ethnies et nationalités alentours à des Arabes Wikipédia

"Les Juifs soulignent avec fierté que plus de 500 000 Arabes, entre 1932 et 1944, sont venus en Palestine pour profiter des conditions de vie existant dans aucun autre État arabe.Centre de Jérusalem pour la Sécurité+2Wikipédia+2Jewish Policy Center+2

Cette observation figure dans ses reportages de 1948, publiés dans The Boston Post du 3 au 6 juin 1948. Ces articles ont été redécouverts et republiés par le Jerusalem Center for Public Affairs.Jewish Policy Center+2Wikipédia+2robertkennedyandisrael.blogspot.com+2Jewish Policy Center Pour  le texte intégral de ces reportages, visiter le site du Jerusalem Center for Public Affairs : Centre de Jérusalem pour la Sécurité

IV. Langue et nation : des dialectes ne fondent pas l’autochtonie ou la souveraineté

4.1 Le dialecte dit "arabe"

  • Il s’agit d’un dialecte néo-arabe local, influencé par le syrien et l’égyptien, issu de la conquête islamique.

  • Ce n’est pas la langue arabe classique (celle du Coran ou de la poésie préislamique), et encore moins la langue cananéenne ou araméenne des populations préislamiques.

4.2 Parallèle avec le français

  • Dire que le "palestinien" est de "l’arabe" reviendrait à dire que l’occitan ou le créole haïtien sont du français : simplifications abusives, lourdes de sens et "insens" politique

Conclusion

La prétention à une souveraineté autochtone arabe musulmane en Palestine mandataire repose sur trois confusions fondamentales, entretenues par la propagande religieuse assidue du Grand Mufti et des Frères musulmans durant tout le XXème siècle, et entretenue par la Déclaration d'Alger de 1988, confusionniste :

  1. Autochtonie ≠ Souveraineté (ex. Khoïsan, Amérindiens)

  2. Propriété foncière ≠ Titre souverain

  3. Dialecte néo-arabe ≠ Langue cananéenne

Israël reste l’un des rares États relevant d'une continuité historique, culturelle, religieuse et juridique, et leurs preuves archéologiques certaines de souveraineté antique sur ce territoire. 

L'immigration augmentant le groupe des Juifs autochtones a été légalisée par les engagements des alliés victorieux, souverains sur les ex-colonies turques, la Société des Nations et son mandat palestinien, les antisionistes renversent le raisonnement en usant de la déshistoricisation et pointant les Juifs en colons, devant plusieurs vagues d'immigrants musulmans postérieurs, notamment attirés pour 500 000 d'entre eux par le sionisme politique qui développait l'agriculture des kibboutz (communes de type fouriériste) et les agglomérations, ni autochtones, ni souverains, ni majoritairement propriétaires avant 1948

Sources

Documents historiques

  • Déclaration Balfour, 1917

  • Mandat britannique de la SDN, 1922

  • Rapport Hope-Simpson, 1930 (Texte intégral)

  • Rapport Peel, 1937 (UN Archive)

Ouvrages et études

  1. Joan Peters, From Time Immemorial, Harper, 1984.Yehoshua Porath, The Emergence of the Palestinian-Arab National Movement, 1974
  2. Efraim Karsh, Palestine Betrayed, Yale Univ. Press, 2010
  3. Dore Gold, The Fight for Jerusalem, Regnery, 2007
  4. Benny Morris, 1948: A History of the First Arab-Israeli War, Yale, 2008
  5. Walter C. Lowdermilk, Palestine: Land of Promise, 1944
  6. Amnon Cohen, Jewish Life under Islam, Harvard CMES, 1984
  7. Bernard Lewis, The Arabs in History, Oxford Univ. Press

Actualisée et réagencée via Chat GPT en 2025

Annexe - Perception des Khoïsans par les Bantous et les Allemands

A. en "jaunes"

1. Contexte historique et ethnographique

Les populations khoïsan, dont les Khoïs font partie, sont parmi les premiers habitants de l'Afrique australe. Leur morphologie et pigmentation diffèrent nettement des populations bantoues arrivées plus tard dans la région, il y a environ 1 500 à 2 000 ans

  • Morphologie : Les Khoïs ont souvent la peau plus claire, des traits plus fins, et parfois des yeux un peu plus en amande. Ces différences physiques marquent visuellement la distinction

  • Langue : Les langues khoïsan, riches en clics, sont totalement distinctes des langues bantoues (langues nilo-sahariennes ou nigéro-congolaises). Cette différence linguistique marque une séparation culturelle importante

2. Origine du terme "jaunes" dans la perception bantoue 

Les Bantous, qui ont colonisé l’Afrique australe, ont utilisé des marqueurs physiques simples pour catégoriser les groupes qu’ils côtoyaient. La pigmentation plus claire des Khoïs leur a fait associer leur apparence à celle des peuples asiatiques, qualifiés localement de "jaunes". Ce terme :

  • Est une catégorie visuelle et sociale, non scientifique

  • Résulte d’une lecture ethnocentrée des différences physiques

  • N’implique pas de lien génétique direct avec des populations asiatiques

3. Dimension sociale et identitaire - colorisme raciste

  • La désignation des Khoïs comme "jaunes" est à la fois une manière de marquer la différence, et parfois de stigmatiser

  • Elle sert à hiérarchiser socialement les groupes, dans un contexte d’inégalités et de domination historique

  • Elle illustre la manière dont les catégories raciales ou « couleurs » sont construites de manière locale, en fonction des relations sociales, des conflits ou alliances

4. Perspective anthropologique et critique

  • Les ethnologues insistent sur la nécessité de dépasser ces catégories superficielles, en comprenant les complexités culturelles et historiques des populations khoïsans

  • La catégorie « jaune » est un exemple de construction sociale qui ne correspond pas à des réalités biologiques rigoureuses

  • Cette perception est un indicateur utile pour comprendre les rapports de pouvoir, de méfiance, et d’identité dans la région

Bibliographie ciblée

Ouvrages généraux sur les Khoïsan et Bantous

  1. Fauvelle-Aymar, François-Xavier (2013). L’Afrique des premiers hommes : De Lucy à l’apparition des royaumes. Paris : CNRS Éditions.
    — Analyse des premiers peuplements et distinctions morphologiques dans la région
  2. Lee, Richard B. (1979). The !Kung San: Men, Women and Work in a Foraging Society. Cambridge University Press — Étude détaillée des Khoïsan, avec focus sur leurs modes de vie et rapports aux autres groupes
  3. Barnard, Alan (1992). Hunters and Herders of Southern Africa: A Comparative Ethnography of the Khoisan Peoples. Cambridge University Press — Analyse ethnographique complète des Khoisan et de leurs interactions avec les Bantous

Articles et études spécifiques

  1. Guenther, Mathias (2004). « The Khoisan and Bantu: Divergent Perceptions and Social Relations in Southern Africa ». Journal of African Studies, 22(3), 45-67— Étude des catégories visuelles et sociales dans les relations interethniques

  2. Widlok, Thomas (2010). « Colour and Identity among Southern African Groups: The ‘Yellow’ Khoisan and ‘Black’ Bantus ». Ethnos, 75(1), 105-122 — Analyse critique des catégorisations chromatiques et de leurs implications identitaires.

Travaux sur les constructions raciales et identitaires

  1. Comaroff, Jean & Comaroff, John (1997). Of Revelation and Revolution: Christianity, Colonialism, and Consciousness in South Africa. University of Chicago Press - Chapitre sur les perceptions raciales dans l’Afrique australe coloniale et postcoloniale

  2. Mamdani, Mahmood (1996). Citizen and Subject: Contemporary Africa and the Legacy of Late Colonialism. Princeton University Press — Réflexion sur les constructions identitaires dans l’Afrique postcoloniale, y compris la question des catégorisations ethniques

B. En "inférieurs et sous développés"

1. Fondements de la perception

  • Différences économiques et sociales :
    Les Khoïs, historiquement chasseurs-cueilleurs et pasteurs nomades, ont souvent été perçus par les Bantous, majoritairement agriculteurs sédentaires, comme des groupes moins « avancés » du point de vue économique et social

  • Modes de vie :
    Le mode de vie traditionnel khoï, fondé sur la mobilité, le nomadisme, et des systèmes sociaux moins hiérarchisés, a souvent été qualifié de « primitif » ou « archaïque » par des Bantous adoptant des normes agricoles et villageoises

  • Idéologies culturelles :
    La vision bantoue dominante valorise la sédentarité, l’agriculture, et des structures sociales organisées, ce qui a renforcé l’idée que les Khoïs étaient « en retard » ou « sous-développés », en dépit de superstitions spiritistes ("animistes") comparables

2. Conséquences sociales

  • Stigmatisation :
    Cette perception a conduit à une marginalisation sociale des Khoïs, souvent relégués à des rôles subalternes dans les sociétés bantoues

  • Inégalités structurelles :
    Les Khoïs ont souvent été privés d’accès à la terre et aux ressources économiques, accentuant les écarts matériels et renforçant le sentiment de sous-développement

  • Discrimination et exclusion :
    Cette représentation a aussi justifié, consciemment ou non, des pratiques discriminatoires, y compris dans l’accès à l’éducation, à la santé, et à la reconnaissance politique

  • Esclavagisme - captures et acculturation

    • Captures et esclavage :
      Certaines tribus bantoues pratiquaient la capture de membres khoïsans, notamment lors de raids ou conflits dans la brousse, pour les réduire en esclavage ou les intégrer comme serviteurs domestiques ou subalternes

    • Formes d’asservissement :
      L’esclavage pratiqué par les Bantous à l’égard des Khoïsans n’était pas toujours institutionnalisé au sens occidental strict, mais plutôt une forme d’assujettissement variable : servitude, travaux forcés, soumission sociale et sexuelle

    • Fonctions sociales des esclaves khoïsans :
      Les esclaves étaient souvent employés dans les tâches agricoles, comme porteurs, domestiques ou dans des fonctions subalternes dans les villages bantous

  • Acculturation et assimilation
    • Processus d’acculturation :
      Les Khoïsans capturés progressivement assimilés, adoptant leurs langues, coutumes et modes de vie. Cela conduisait à une acculturation forcée qui effaçait ou marginalisait leurs identités d’origine

    • Perte culturelle et assimilation :
      Cette acculturation a souvent conduit à la disparition progressive des modes de vie et langues khoïsans chez ces populations réduites en esclavage, ainsi qu’à la déshistoricisation

    • Mélange et continuités :
      Parfois, cette intégration était aussi synonyme de métissages culturels et biologiques, sous un rapport de domination. Il vaut mieux pour les métis que le métissage soit indiscernable

    4. Impacts sociaux et mémoriels

    • Marginalisation persistante :
      Ces pratiques ont contribué à la marginalisation durable des Khoïsans, tant sur le plan matériel que symbolique dans les sociétés bantoues majoritaires

    • Absence d’écrits et invisibilisation :
      Comme souvent dans les sociétés non écrites, ces formes d’esclavage et acculturation ont été peu documentées, rendant la mémoire historique fragmentaire, menant à la "déshistoricisation fragmentaire"

3. Critique anthropologique et historique

  • Les chercheurs insistent sur le fait que ces perceptions sont socialement construites et souvent instrumentalisées dans des rapports de pouvoir

  • Le « sous-développement » actuel des Khoïs reste une conséquence des processus historiques de colonisation, expropriation et marginalisation

  • Les savoirs, modes de vie et cultures khoïs représentent une diversité humaine spécifique, soit une richesse culturelle

    C - Perception des Khoïsans par les Allemands

    1. Contexte historique

    • Colonisation allemande :
      L’Allemagne a établi sa présence coloniale en Afrique australe principalement en Namibie (anciennement Sud-Ouest africain allemand) de 1884 à 1915

    • Les Khoïsans (notamment les Nama, un sous-groupe khoï) ont été parmi les populations autochtones confrontées à la colonisation allemande

    2. Représentations allemandes des Khoïsans

    • Vision ethnocentrée et hiérarchique :
      Comme la plupart des puissances coloniales européennes, les Allemands percevaient les Khoïsans à travers un prisme raciste et évolutionniste, les considérant comme des populations « inférieures » et « primitives »

    • Caractérisation anthropologique :
      Les anthropologues et militaires allemands ont décrit les Khoïsans comme un peuple « archaïque », à la morphologie distincte (notamment peau claire et traits fins), mais en même temps « dégénéré » selon les préjugés raciaux européens de l’époque

    • Sous-évaluation culturelle :
      Les connaissances, langues et traditions khoïsanes étaient souvent jugées « rudimentaires » ou « sans valeur » dans les discours coloniaux

    • Mise en avant des différences physiques :
      La morphologie khoï, avec des traits que les Allemands jugeaient « exotiques », a été largement utilisée pour justifier une classification raciale stricte, alimentant une forme de fascination mêlée à une condescendance raciste

3. Morphologie et catégorisation raciale allemande :

Les Allemands observaient la morphologie khoï (traits fins, peau relativement claire par rapport à d’autres Africains) comme « exotique » ou « distincte », restant dans la logique des classifications tripartites européennes classiques : Blancs (Européens), Noirs (populations bantoues), Jaunes (Asiatiques), et des catégories « intermédiaires » (souvent désignées comme « Hottentots » ou « Bushmen »)
  • Absence du terme « jaunes » :
    • Contrairement à certains groupes africains qui pouvaient associer la clarté de peau ou certains traits à une analogie avec les Asiatiques (les « jaunes » dans leur terminologie coloriste et raciste), les Allemands colonisateurs n’ont pas adopté ce vocabulaire. Leur système raciste reposait sur des notions d’« infériorité » ou de « primitivisme » basés sur des critères d’évolution sociale et biologique, sans comparaison directe avec les Asiatiques
  • Racisme évolutionniste et hiérarchies :
    • Les Khoïsans étaient classés dans une hiérarchie raciale où ils étaient considérés comme plus « proches » des Européens que les Bantous dans certains traits physiques (ex : peau plus claire), mais toujours « inférieurs » dans l’idéologie coloniale allemande

4. Impact colonial et politique

  • Répression violente :
    Durant la révolte des Hereros et Nama (1904-1908), les Allemands ont mené une campagne de génocide contre ces peuples, considérant ces révoltes comme la preuve de leur « sauvagerie » et « incapacité à gouverner » - Camps et génocide

    • Heinrich Ernst Göring, fut le premier gouverneur impérial allemand du Sud-Ouest africain (1885–1890)
    • Son fils Hermann Göring lui-même n’a jamais visité la colonie, ni pendant ni après le génocide des Herero et Nama
Gössler, Reinhart. Hermann Göring and Namibia: The Roots of a Colonial Family Myth 200
  • Thèses idéologiques :

    • Certains idéologues nazis ont étudié l’expérience coloniale comme précédent racial :

      • Eugen Fischer, qui mena des recherches eugénistes sur les métis à Shark Island vers 1908, eut une forte influence sur la politique raciale nazie (notamment sur Hitler via Mein Kampf)

      • Fischer ne retourna jamais en Namibie pendant le régime nazi

  1. Jürgen Zimmerer, Von Windhuk nach Auschwitz? Beiträge zum Verhältnis von Kolonialismus und Holocaust (Lit Verlag, 2011)
  2. Jan-Bart Gewald, Herero Heroes: A Socio-Political History of the Herero of Namibia, 1890–1923 (James Currey, 1999)
  3. Reinhart Kössler, German Colonialism: Some Reflections on Reassessments, Specificities and Constellations, in European Review of History, 2008

  • Justification idéologique :

    • La perception raciale des Khoïsans comme « inférieurs » a servi à justifier politiquement la brutalité coloniale, l’expropriation des terres, et les politiques d’assimilation forcée 
    • Documentation scientifique :
      • Des chercheurs allemands ont cependant collecté des données ethnographiques et linguistiques sur les Khoïsans, souvent à des fins de classification raciale mais qui, paradoxalement, ont aussi permis une meilleure connaissance ultérieure

En résumé - Après les Bantus, Zulus

Les Allemands, dans le cadre de leur colonisation, percevaient les Khoïsans principalement comme des peuples inférieurs, primitifs et « archaïques », sous l’angle d’un racisme évolutionniste typique de l’époque. Cette perception a eu des conséquences directes sur la politique coloniale, notamment la répression violente et la marginalisation systématique des Khoïsans

Ouvrages généraux sur la colonisation allemande en Namibie et les Khoïsans

  1. Gewald, Jan-Bart (2009). Herero Heroes: A Socio-Political History of the Herero of Namibia, 1890-1923. James Currey - 

    Analyse détaillée du contexte colonial allemand et des relations avec les populations autochtones, notamment les Nama (Khoï)
  2. Zimmerer, Jürgen (2001). Afrika in der deutschen Kolonialgeschichte: Interkulturelle Begegnungen und Konflikte. Böhlau Verlag - Recueil d’études sur les interactions culturelles et les perceptions raciales durant la colonisation allemande
  3. Wallace, Marion (2011). A History of Namibia: From the Beginning to 1990. Columbia University Press - Histoire générale incluant la perception et le traitement des populations khoïsanes sous domination allemande

Études ethnographiques et anthropologiques allemandes historiques

  1. Bleek, Wilhelm H. I. (1858). A Comparative Grammar of South African Languages. London: Trübner & Co. Bien que précédant la colonisation allemande directe, cet ouvrage est une des premières études linguistiques sur les langues khoïsanes, illustrant la fascination scientifique allemande pour ces peuples

  2. Schneider, Hermann (1908). Die Nama und ihre Sprache. Berlin: Reimer - 

    Étude linguistique sur les Nama (Khoï) faite par un chercheur allemand pendant la période coloniale, reflétant à la fois intérêt scientifique et les préjugés de l’époque

Articles et ressources contemporaines critiques

  1. Melber, Henning (2003). « The German Colonial Genocide in Namibia: A Critical Reappraisal ». Journal of Genocide Research, 5(2), 249-271 - Analyse critique des politiques coloniales allemandes à l’encontre des populations khoïsanes

  1. Gewald, Jan-Bart & Swart, Koos (eds.) (2007). The Extermination of the Herero: A Colonial Genocide. Nordic Africa Institute - 

    Textes réunis sur le génocide des Herero et Nama, avec des réflexions sur la perception raciale et idéologique allemande
Illustration 

https://cerdijournal.wixsite.com/deveco/single-post/2016/10/26/pourquoi-voir-ou-revoir-les-dieux-sont-tomb%C3%A9s-sur-la-t%C3%AAte-de-jamie-uys

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