01/08/23

Ethnos

L'ethnologie mène partout à condition d'en revenir.
 Jacques Lacarrière, Le Monde de l'éducation, Juillet - Août 2001

Le palais du Trocadéro à Paris, qui abritait le musée d'ethnographie de 1878 à 1935
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mus%C3%A9e_d%27Ethnographie_du_Trocad%C3%A9ro

ETHNOS

Le mot ἔθνος naît dans une culture grecque archaïque pour désigner un ensemble humain uni par des mœurs ou une origine mythique. Il est ensuite utilisé comme catégorie ethnographique et culturelle par Hérodote, évoluant vers une référence aux peuples non-grecs sous l’hellénisme, puis devenant le terme des "nations" dans le contexte gréco-romain et biblique.

Cette trajectoire explique parfaitement l’emploi moderne du terme "ethnie" comme groupe culturel ou national, bien que son sens originel ait évolué depuis l’Antiquité WikipédiaReddit+4Publictionnaire+4Cambridge University Press & Assessment+4.

Synthèse chronologique

PériodeUsage principal d’“ethnos”
Archaïque / Homère    foule, assemblée, troupeau (sens large)
Classique (Hérodote, etc.)    groupe ethnique lié par mœurs ou ancêtres
Hellénistique    peuple non-grec, communauté culturelle distincte des Grecs
Gréco-romaine / biblique    "nations", "païens", distinction communautaire
Moyen Âge → Moderne    évolution vers "ethnie", "ethnicité", groupe culturel

1. Origine étymologique et sens archaïque

Le mot ἔθνος (ethnos) remonte au grec ancien et dérive de ἔθος, signifiant "coutume" ou "mœurs". 

L’étymologie suggère un groupe uni par les habitudes partagées, parfois appliqué à des animaux (essaim, troupeau) Wikipedia+15kaikki.org+15Cambridge University Press & Assessment+15.

Dès l’époque homérique, il peut désigner un rassemblement humain ou une foule, sans connotation civile structurée.

2. Période classique (Ve‑IVe s. av. E. C.)

Chez Hérodote, le mot sert à désigner des groupes humains distincts :

Dans le grec classique, le terme γένος (genos) se distingue par son accent sur l’ascendance et la lignée, tandis qu’ethnos insiste sur la culture, les coutumes et la communauté, même si les deux peuvent parfois se confondre Publictionnaire

3. Époque hellénistique (IVe‑Ier s. av. E. C.)

L’usage d’ethnos se spécialise :

4. Usage gréco-romain et biblique

Dans le grec impérial et biblique, ethnos peut signifier :

  • "nations", "masses", "peuples"

  • "païens" (superstitions rurales) dans la traduction de la Septante (Ancien Testament) et du Nouveau Testament Docslib+1Merriam-Webster+1Jhue Muse

Il se superpose souvent à λαός (laos), mais trop large pour signifier seulement les citoyens ; ou à φυλή (phylē), plus proche d’un groupe consanguin ou tribal.

5. Du latin au vocabulaire moderne

Le terme latin ethnicus dérive directement d’ethnos. Aux XVIIe‑XVIIIe siècles, il signifie couramment "païen" ou "étranger", avant de prendre au XIXe siècle le sens plus scientifique de groupe culturel distinct (ethnicité, nation) Frontier Ventures+1Reddit+1

1. Période classique (Ve-IVe siècle av. E. C.) 

absence attestée du terme ἐθνάρχης - ethnocratos

  • Dans les œuvres majeures des auteurs classiques grec- (Hérodote, Thucydide, Platon, Aristote, Sophocle- on trouve fréquemment les mots ἔθνος (ethnos, peuple/nation) et ἄρχων (archon, magistrat, chef), mais le composé ἐθνάρχης n’est pas attesté -ethnarque-

  • La notion de chef d’un ethnie est exprimée par des syntagmes descriptifs ou des titres spécifiques (roi, tyran, basileus, archonte) mais non par un mot composé standardisé

2. Notions équivalentes dans la pensée grecque classique

  • ἔθνος est utilisé par Hérodote pour désigner des groupes humains ethniques (ex. Scythes, Perses, Égyptiens)

  • Le terme ἄρχων est appliqué à des magistrats athéniens ou chefs divers, pas nécessairement à un chef d’ethnos en général

  • Le concept de pouvoir politique et religieux unifié sur une ethnie, tel que sous-entendu par  ethnarque, n’est pas formalisé dans un terme unique

3. Époque hellénistique (IVe-Ier siècle av. E. C.) - émergence progressive

  • À partir de l’époque hellénistique, avec la fragmentation des empires et la cohabitation de nombreuses ethnè (groupes ethniques et religieux), l'on observe une évolution terminologique et institutionnelle

  • L'on commence à voir des usages descriptifs où un individu est chef d’une communauté ethnique (ex. rois locaux, satrapes, ou chefs juifs)

  • Le terme ἐθνάρχης apparaît plus clairement dans les textes, en particulier dans des documents administratifs et historiques, et sa première attestation reste Flavius Josèphe (Ier siècle)

Soit,

Période     Usage du terme ἐθνάρχηςNotes
Classique (Ve-IVe s. av. E. C.)                     Aucun usage attestéNotions séparées, pas de terme composé attesté
Hellénistique (IVe-Ier s. av. E. C.)                    Apparition progressive, surtout                                documents administratifs et papyriUsage en contexte multiculturel et provincial
Flavius Josèphe (Ier s.)                    Usage explicite et fréquentRéférence majeure pour le terme

1. Étymologie et formation

  • ἐθνάρχης est un composé formé à partir de ἔθνος (ethnos, peuple) + ἄρχων (archon, chef).

  • Ces deux mots sont attestés dès le grec archaïque, mais la formation en composé est plus spécifique et peut résulter d’une évolution linguistique / sémantique ultérieure.

2. Première attestation connue

  • Les bases de données philologiques comme le Thesaurus Linguae Graecae (TLG) et le Liddell-Scott-Jones (LSJ) indiquent que le mot ἐθνάρχης est absent des textes de la période classique (Ve-IVe siècle av. N. E.).

  • La première attestation certaine d’ἐθνάρχης se trouve dans les textes hellénistiques et surtout dans la littérature juive grecque, particulièrement chez Flavius Josèphe au Ier siècle, qui l’emploie pour désigner des chefs juifs

3. Attestation dans d’autres textes hellénistiques

  • Il existe des occurrences dans des documents administratifs et papyri grecs d’Égypte datant du IIe et Ier siècle av. E. C., où le terme est utilisé pour désigner des chefs ou administrateurs de communautés ethniques (notamment juives)

  • Ces usages sont donc contemporains ou légèrement antérieurs à Josèphe, mais restent rares

AttestationDate approximativeSource / ContexteRemarque
Premières occurrencesIIe -Ier s. av. E. C.    Papyri hellénistiques d’ÉgypteUsage administratif, communautaire
Usage littéraire significatifIer siècle Flavius JosèpheUsage conceptuel pour désigner chefs juifs

5. Extrait de Flavius Josèphe (Ier siècle ap. J.-C.) — première attestation littéraire majeure

« ὁ Σίμων ὁ Μακκαβαῖος ... ἐθνάρχης καὶ ἀρχιερεύς ἐγένετο τῶν Ἰουδαίων »
Antiquités judaïques, XIII, 10, §5

Deux papyri-clés attestant de l’usage du terme ἐθνάρχης dans des documents administratifs grecs d’Égypte antérieurs ou contemporains à Flavius Josèphe

P.Giss. 19 (vers 130-100 av. J.-C.) — Ethnarque de la communauté juive d’Alexandrie

Πρὸς τὸν ἐθνάρχην τῶν Ἰουδαίων,
ἐπιτροπή περὶ τῆς ἐκκλησίας καὶ τῶν χρημάτων,
τῇ ἀκριβείᾳ τῶν ἐπιβαλλομένων φόρων καὶ τῆς διοικήσεως...

À l’ethnarque des Juifs,
au sujet de la gestion de la communauté et des fonds,
concernant la perception exacte des impôts et de l’administration…

P.Oxy. 38.2807 (vers 50 av. J.-C.) — Acte administratif mentionnant un ethnarque

…ὁ ἐθνάρχης τῆς ἐθνότητος ταύτης ἐξουσίαν ἔχων περὶ τῶν ἀποδοτῶν καὶ τῶν φόρων,
καὶ τὰς ἐπιβαλλομένας ἀρχὰς τηρεῖν καθήκοντος…

…l’ethnarque de cette communauté, ayant autorité sur les tributs et les impôts,
et chargé de faire respecter les autorités imposées… 

3. Notes d’analyse

  • Ces documents montrent que l’ethnarque était un chef officiel investi d’une autorité civile et fiscale, particulièrement dans des communautés distinctes comme celle des Juifs à Alexandrie

  • L’emploi du terme dans des documents officiels souligne une reconnaissance administrative, antérieure ou contemporaine à Josèphe.

  • Texte grec et traduction disponibles dans les bases Duke Databank of Documentary Papyri (papyri.info) :

  • Études critiques :

    • Menahem Stern, Greek and Latin Authors on Jews and Judaism, vol. II, 1984

    • Martin Hengel, Judaism and Hellenism, 1974

    • Wolfgang Hahn, Die griechischen Inschriften aus Ägypten,1976

De l'ethnographie à l'Institut d'Ethnologie 

1925 -fondé le 1er août-

Le musée d’Ethnographie du Trocadéro, premier musée ethnographique parisien, fut instauré en 1878 sous le nom de Muséum ethnographique des missions scientifiques[1] par le ministère de l’Instruction publique dans le palais du Trocadéro.

"L’Institut d’ethnologie est fondé en 1925 ; en 1928, Paul Rivet et Georges-Henri Rivière sont chargés de réorganiser le vieux musée d’Ethnographie du Trocadéro où les fauves et les cubistes avaient « découvert » l’art nègre au début du siècle. En 1934, on décide finalement de raser le bâtiment ; à sa place est érigé le palais de Chaillot où sera inauguré le musée de l’Homme en 1938."
Membres de l'Institut

"Toute l'action de G.H. Rivière le montre alors, comme par la suite, conscient de l'impossibilité d'affranchir le développement de l'ethnologie nationale des tentations idéologiques, comme des volontés et conjonctures politiques. Paradoxe qui n'est qu'apparent : issu d'une impulsion du Front Populaire, le Musée allait, sous la conduite énergique, habile, à la fois risquée et avisée de son homme-guide, déployer, avec un dynamisme considérable, ses activités pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est que s'il sut mettre à profit l'intérêt du Régime de Vichy pour les valeurs de la paysannerie et de civilisation traditionnelles, G.H. Rivière n'en profita pas moins pour faire du Musée une machine à protéger réfractaires, résistants, intellectuels suspects ou opposés aux pouvoirs d'alors, que de grandes enquêtes permirent de mettre à l'abri."

Ethnologues associées à ses débuts (1925–1950)

NomRôle / activitéPériode associée et contexte
Germaine TillionÉtudiante-recherchiste, terrain AurèsDébuts de l’Institut, années 1930
Dina Dreyfus / Lévi‑StraussCollaboratrice de Rivet, réseaux ethnologiquesMilieu des années 1930
Odette Teissier du CrosEthnographe‑muséographe, collecte régionaleInfluence muséale à partir des années 1960


Germaine Tillion (1907‑2008)
  • Étudiante puis collaboratrice de Marcel Mauss à l’École pratique des hautes études (EPHE)

  • Très active dès 1928, elle réalisa des terrains dans l’Aurès algérien dès 1934, sous la direction de Mauss et Lévy-Brühl Wikipédia

  • Non titulaire à l’Institut dès la fondation, elle appartient à la génération fondatrice de l’ethnologie française

Dina Dreyfus / Dina Lévi‑Strauss (1911‑1999)

  • Agrégée de philosophie, spécialiste de l’Amazonie.

  • Co-fondatrice d’une société d’ethnographie au Brésil en 1935, impliquée en France dans les réseaux académiques liés à l’Institut à son origine

  • Aux côtés de Paul Rivet et Claude Lévi‑Strauss, elle participe aux premiers cercles de l’ethnologie institutionnelle française Wikipédia+3Wikipédia+3Wikipédia+3.

Odette Teissier du Cros (1906‑1997)

  • Ethnographe et muséologue, disciple indirecte de la lignée du Musée de l’Homme

  • Elle correspond avec les premières équipes de l’Institut, notamment dans les missions de collecte ethnographique dans les Cévennes dès les années 1960 Wikipédia

Georgette Fagot - Soustelle

Elle a mené des recherches ethnologiques au Mexique, notamment sur les populations otomies et nahuatls. Ses travaux ont été soutenus par l’Institut d’ethnologie. WikipédiaWikipédia

Jeanne Cuisinier

Elle a réalisé des travaux sur les Mường du Vietnam et sur les populations malaises, notamment au Kelantan. Elle a été formée sous la direction de Marcel Mauss et Paul Rivet. OpenEdition Journals+6Wikipédia+6berose.fr+6

Martine Segalen

Spécialiste de la famille et des questions culturelles en Europe, Martine Segalen a été chercheuse au CNRS et professeure à l'université Paris X-Nanterre. Elle a dirigé le Centre d'ethnologie française de 1986 à 1996. Wikipédia


Christine Gamita

  • Bibliographie

Isaac Chiva, Anthropologie & sciences humaines 5 | 1985 Identité culturelle et appartenance régionale Nouvelles de... George Henri Rivière : un demi-siècle d'ethnologie de la France, p. 76-83 https://journals.openedition.org/terrain/2887

Éric Jolly, Marcel Griaule, ethnologue : La construction d'une discipline (1925-1956). In: Journal des africanistes, 2001, tome 71, fascicule 1. Les empreintes du renard pâle. pp. 149-190 https://www.persee.fr/doc/jafr_0399-0346_2001_num_71_1_1256 


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En vertu du code de la propriété intellectuelle stipulant à l’article L121-1,‘ L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.Tout usage toile ou papier hors ce cadre sera passible de poursuites - Reproduction autorisée à condition de citer les liens © Copyright- Toute citation de cet article doit être de contexte, précise, avec date de version, blog "Thémis - Haro sur les fémincides et androcides dans le monde" http://susaufeminicides.blogspot.fr le lien exact du document - Unauthorized use and/or duplication of this material without express and written permission from this blog’s author and/or owner is strictly prohibited. Excerpts and links may be used, provided that full and clear credit is given to "Thémis - Haro sur les fémincides et androcides dans le monde" http://susaufeminicides.blogspot.fr with appropriate and specific direction to the original content. However, no link is to be reproduced on slanderous motives and/or miscategorization. Therefore, before any use of network Tools such as scoop-it or pinterest & so, the author’s permission is required.
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